A LA UNEPOLITIQUE

CE QU’IL FAUT SAVOIR SUR LE PROCESSUS ET LES PRINCIPAUX CANDIDATS EN LICE

Les élections en cours au Nigeria vont décider du destin de ce géant économique et démographique d’Afrique. L’occasion d’en savoir plus sur le complexe système électoral du pays et les trois principaux candidats qui s’affrontent.

 

 

Ce 25 janvier, 93 millions de Nigérians sont appelés aux urnes pour désigner un successeur au Président sortant Muhammad Buhari. C’est l’occasion d’en savoir plus sur le système électoral Nigérian et les candidats qui vont s’affronter. La première particularité du Nigeria est que c’est un Etat Fédéral composé de 36 Etats dirigés par de puissants gouverneurs. Pour être élu Président au 1er tour, un candidat est simplement tenu de remporter une majorité simple des voix au niveau national alors que dans beaucoup d’autres pays, une majorité absolue de plus de 50% est requise. Toutefois, en plus de remporter une majorité simple, le futur président est aussi tenu de faire un score de plus de 25% dans au moins deux tiers des 36 États et à Abuja, la capitale. Cela permet de s’assurer que le futur président ne pourra pas se contenter d’un vote ethnique ou religieux même si son ethnie ou sa religion représente la majorité. Il doit aussi s’assurer du soutien d’Etats dominés par d’autres ethnies et religions.

On distingue généralement deux zones distinctes : Le Nord dominé par des musulmans haoussa ou peul comporte 19 Etats et le Sud à majorité chrétienne comporte 17 Etats dominés par l’ethnie Igbo à l’Est et l’ethnie Yorouba à l’Ouest. Le futur président doit donc convaincre au-delà de son ethnie et religion. L’une des stratégies utilisées par les candidats à la Présidentielle est le choix d’un vice-président appartenant à une ethnie et religion différente pour gagner des voix dans des Etats plus difficiles à conquérir. Cette tactique semble donner des résultats car depuis la rupture avec les régimes militaires et la restauration de la démocratie en 1999, il n’y a encore jamais eu de 2ème tour au Nigeria. Toutefois, si aucun des candidats en lice ne remplit ces deux critères, les deux candidats avec le plus de voix s’affronteront à nouveau dans 21 jours. Il faut aussi savoir qu’aucune élection n’est organisée en dehors du territoire national. La diaspora Nigériane ne peut donc pas voter à moins de rentrer au pays.

Les candidats en lice
Il y a 18 candidats déclarés mais seuls 3 ont une réelle chance de gagner, ce qui est un progrès par rapport aux élections passées ou seuls 2 candidats issus des 2 grands partis l’APC et le PDP pouvaient espérer l’emporter.

Le nouveau venu s’appelle Peter Obi, un Igbo de 61 ans, ancien Gouverneur de l’Etat d’Anambra. Dans un environnement politique pollué par la corruption et la mauvaise gestion économique, il se présente comme Mr Clean, un candidat intègre avec une gestion frugale de l’économie. Il a un soutien massif sur les réseaux sociaux et auprès des jeunes confrontés à la pauvreté et au chômage. 42,5 % des jeunes en âge de travailler n’ont pas d’emploi selon le Bureau national des statistiques du pays. Sachant que 40 % des électeurs inscrits ont moins de 34 ans, Obi pourra créer la surprise s’il parvient à traduire ses nombreux soutiens en électeurs. D’autres facteurs plaident en sa faveur. Il s’est choisi un colistier musulman issu de Kaduna, un Etat du Nord. Il est lui-même un Igbo originaire du sud-est, berceau du Biafra, une région encore confrontée à des velléités sécessionnistes. S’il est élu, il sera le premier Président Igbo du Nigeria et cela pourrait aider cette région à se sentir plus incluse dans la gestion du pays et à renoncer à la lutte pour l’indépendance. Enfin, il est un candidat relativement jeune et anti-establishment, contrairement à ses deux concurrents plus âgés, milliardaires et tributaires de la situation catastrophique du pays.

Bola Tinubu, 70 ans, est le candidat du parti au pouvoir l’APC. Il est aussi l’actuel vice-portant et bénéficie, de ce fait, du soutien du Président Buhari. Un soutien dont il se serait bien passé tant le bilan du président sortant est jugé décevant. Tinubu se présente comme un homme différent avec des idées différentes. Son passage à la vice-présidence ne lui ayant pas permis de briller, c’est son bilan en tant qu’ancien Gouverneur de Lagos qui est mis en avant. Il a en effet réussi à faire de cet Etat l’un des plus prospères d’Afrique. Une prouesse qu’il ambitionne de rééditer au Niveau Fédéral. Toutefois, il fait face à de nombreuses critiques à commencer par celles qui visent son slogan de campagne “C’est mon tour”. Alors que pour ses partisans, ces mots traduisent une volonté de prendre enfin les rênes du pouvoir pour œuvrer au développement du pays, d’autres voient en cette formule une preuve d’égoïsme et une intention de s’approprier le pouvoir. Aussi, ce milliardaire est visé par de nombreuses allégations de corruption. Enfin, il a choisi Kashim Shettima comme colistier. Cet ancien Gouverneur de l’Etat de Borno est un musulman originaire du Nord alors que Tinubu lui-même est un musulman yorouba du sud. Face aux critiques et inquiétudes que ce choix suscite, le vice-président sortant assure qu’il n’a nulle intention d’islamiser le pays et que son choix n’est dicté que par le mérite.

Enfin, l’autre candidat qui pourrait l’emporter est le milliardaire Attiku Abubakar, 76 ans et candidat du PDP, l’autre grand parti. Cette élection marque la sixième participation de cet homme qui convoite le pouvoir depuis 1992. Il espère que cette fois sera la bonne. Ses deux principaux concurrents étant originaires du Sud, il peut espérer rafler l’essentiel des votes au Nord et compter sur son colistier Ifeanyi Okowa, Gouverneur originaire du sud pour grignoter des voix dans cette région. Toutefois, il pourrait avoir des difficultés à conquérir le vote des jeunes qui voient en lui une figure vieillissante et n’ont qu’un vague souvenir de sa période de gloire entre 1999 et 2007. Durant cette période, il a été vice-président d’Obasanjo et architecte de réformes économiques qui ont boosté les télécommunications, amélioré le secteur des transports et contribué à la création d’emplois. Aussi, étant un entrepreneur prospère qui a fait fortune dans les hydrocarbures, il se présente comme un fin économiste qui pourrait aider à redresser un pays en proie à la paupérisation et à l’inflation.

Quel que soit le vainqueur de ces élections, les défis qui l’attendent sont immenses. Il devra s’atteler à redresser une économie mal en point et à enrayer les problèmes d’insécurité qui rongent le pays. D’ici là, l’ensemble des candidats ont signé un accord de paix qui devrait garantir que des violences électorales ne vont pas venir s’ajouter aux violences terroristes et sécessionnistes qui affectent déjà le pays.

 

 

Articles du même type

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Close