La coup de massue. Après avoir saisi la Division des investigations criminelles (DIC) pour instruire plusieurs dossiers, dont ceux contre l’ancien procureur Serigne Bassirou Guèye, Mes So et Diouf dans l’affaire Sweet Beauté, l’ancien procureur général a été relevé de ses fonctions, lors du Conseil supérieur de la magistrature tenu lundi. Ousmane Diagne est remplacé par Ibrahima Bakhoum, sanctionné par l’Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ)en 2006, dans une affaire de corruption.
« J’avais à refaire ce qui m’a valu mon départ, je le referais » Le 2 mai 2013, l’intransigeant parquetier Ousmane Diagne tenait ses pro- pos, lors de la cérémonie de passation de service avec son successeur au poste de procureur de la République près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Serigne Bassirou Gueye. Près de 10 ans plus tard, c’est comme si l’histoire se répétait. Promu il y a à peine un an au poste de procureur général près la Cour d’appel, le magistrat fait encore une fois les frais de son indépendance et de son refus catégorique de se soumettre à l’Exécutif.
En effet, selon les informations du journal Enquête le ci-devant procureur général a été sanctionné à cause de certains actes posés notamment dans le dossier Sweet Beauté. Le garde des Sceaux a surtout été courroucé par la saisine de la Division des investigations criminelles (Dic) suite à la plainte déposée par Ousmane Sonko contre Maîtres Sow et Diouf.
Interpellé par la tutelle, le désormais ancien chef du parquet de Dakar l’a tout bonnement envoyé balader. Les représailles n’ont pas tardé. Lors du Conseil supérieur de la magistrature tenu hier-lundi, il a été relevé et renvoyé à la Cour suprême comme premier avocat général. Une juridiction qu’il connaît déjà assez bien, puisqu’il y avait déjà séjourné de 2013 jusqu’au mois de novembre 2021.
A propos des derniers actes posés par M. Diagne, il faut noter, outre la plainte contre les avocats, celle déposée par le même plaignant contre l’ancien procureur de la République Serigne Bassirou Guèye. Autant de dossiers qui ont emporté « l’indélicat » parquetier, remplacé par Ibrahima Bakhoum, précédemment avocat général près la même cour.Affaire Sweet Beauté : Ousmane Diagne saisit la Dic et envoie la tutelle balader
Pour ceux qui ne le savent pas, Ibrahima Bakhoum a été, en2006, épinglé par l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj), dans une sale affaire de corruption. Il a été frappé d’une interdiction d’exercer les fonctions de procureur de la République, de procureur de la République adjoint, de premier substitut, de juge d’instruction et de président de juridiction pour cinq ans. Dans une réaction spectaculaire, il avait saisi la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la non-transparence, pour protester contre cette sanction.
Dans ce dossier Momar War Seck qui est resté dans les annales de la magistrature, une personne poursuivie pour escroquerie portant sur des millions a eu l’outrecuidance, avec l’aide d’une magistrate, de proposer à plusieurs magistrats devant intervenir dans le dossier des espèces sonnantes et trébuchantes. L’Igaj avait frappé dur au cœur de l’institution.
Toujours en 2013, cédant son fauteuil à Serigne Bassirou Gueye, Ousmane Diagne disait à qui voulait l’entendre: « Je n’ai jamais été autre chose qu’un procureur de la République, pas un procureur du gouvernement. » Après une brève pause imposée par le standing ovation de la salle, Il reprend et fulmine: « Je vois, à travers votre réaction, toute la différence entre ces deux notions (procureur de la République et procureur du gouverne- ment). J’ai travaillé avec plusieurs gardes des Sceaux. A l’exception notable du professeur Moustapha Sourang à qui je rends hommage, j’ai toujours eu de grandes difficultés à certains moments… »
Au moment de quitter cette fonction qu’il a aimée, enchaînait-il, « je n’ai absolument aucun regret. Si j’avais à refaire ce que j’ai fait pour partir, je l’aurais refait mille fois! Car pour lui, l’essentiel a toujours été de sortir la tête haute, sans devoir baisser les yeux devant qui que ce soit. « A chaque fois qu’il m’a été possible de dire non, j’ai dit non de la façon la plus ferme, la plus irrévocable et Dieu m’est témoin que je n’ai aucun regret ». L’indépendance, à l’en croire, « elle s’assume et se paie ». « J’ai toujours dit ceci à mes élèves du CFJ (Centre de formation judiciaire) : ce n’est pas parce que nous sommes du parquet que nous devons être indépendants ou pas. Nous sommes d’abord et avant tout des magistrats. Nous sommes magistrats du siège ou du parquet du fait de la volonté du prince ou des affectations. Il n’y a pas de mérite particulier à être au siège ou au parquet, parce qu’on est indépendant ou pas. On est magistrat tout court. On est payé et on a vocation à exercer justement toutes les fonctions que nous devons exercer dans le cadre de la mission qui nous a été confiée par la nation. Car il ne faut pas oublier que la justice est rendue au nom du peuple sénégalais et non au nom de qui que ce soit ».
A l’époque, Aminata Touré était à la tête du ministère de la Justice et beaucoup pensaient qu’Ousmane Diagne a été emporté par son comportement dans le dossier Aïda Ndiongue, dont la tête était réclamée par la tutelle.