A LA UNEPOLITIQUE

Sonko-Adji Sarr: le recours en cassation peut-il vraiment retarder le procès ?

Après le renvoi de l’affaire Sweet Beauté devant la Chambre criminelle, une bataille de procédure a été ouverte par les conseils de Ousmane Sonko. Les avocats ont attaqué l’ordonnance devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel. Déboutée, mardi dernier, la défense va former un pourvoi en cassation. Il apparait sur tout pour la partie civile que les conseils du maire de Ziguinchor veulent faire du dilatoire pour retarder le procès. La question est de savoir si le pourvoi est suspensif ? Si le pourvoi peut empêcher le Parquet d’enrôler le dossier ? Les avis sont partagés, mais dans la majorité des avis, les spécialistes du droit considèrent que cela n’empêche pas le Parquet de programmer l’audience. Le dossier Adji Sarr n’est pas un dossier simple pour Ousmane Sonko qui veut briguer le fauteuil présidentiel. Actuellement, l’opposant politique qui, sans faire dans l’exagération, est dans la meilleure posture pour renverser le régime aux joutes de février 2024, est bien conscient que le dossier a un enjeu énorme. L’histoire de Khalifa Sall est tellement bien récente qu’il sait pertinemment qu’il n’a pas droit à l’erreur s’il ne veut pas subir le même sort que le socialiste. Du coup, il ne serait pas exagéré de penser que les procédures enclenchées par ses avocats ne sont que du dilatoire pour retarder la guillotine, si tant est, qu’il serait condamné. Après le recours sur l’ordonnance de renvoi, les conseils du maire de Ziguinchor s’attaquent à l’arrêt de la Chambre d’accusation par lequel la juridiction a refusé de transférer le dossier au Conseil constitutionnel. La défense va se pourvoir en cassation.

La grande question est de savoir si le pourvoi est suspensif. Est-ce que le pourvoi peut empêcher le Parquet d’enrôler le dossier? Est-ce que le pourvoi peut donc permettre de retarder le procès ? S’il s’agit d’une stratégie d’avocats pour retarder le procès, c’est de bonne guerre; la défense est dans son bon droit. Et par rapport à l’interrogation, des réponses positives ont été apportées. «Je pense que le Parquet ne peut pas enrôler l’affaire, car si les avocats de Sonko font un pourvoi, le dossier va aller à la Cour suprême, il faudra donc pour le Parquet attendre que le dossier lui soit retourné pour pouvoir procéder à l’enrôlement », soutient un praticien du droit.

Quoi qu’il en soit pour les avocats de la défense, le programme est bien ficelé, il s’agit de régler les questions de procédure et épuiser toutes les voies de recours pour chaque procédure. Et sur la question, les conseils de l’opposant poli- tique sont convaincus qu’ils peuvent avoir gain de cause. Ils soutiennent qu’il y a une « jurisprudence constante en la matière », selon un des leurs. C’est dire que ce n’est pas pour s’amuser qu’ils ont saisi la haute juridiction. Et ce n’est pas tout, car, s’en prenant à l’arrêt de la Chambre d’accusation, Me Khoureïchy Bâ écrit sur sa page Facebook : « la Chambre d’accusation n’a aucun pouvoir d’appréciation, il lui est juste demandé de servir de boîte postale et non de filtre. De transmettre l’exception à son destinataire, le Conseil constitutionnel. Et d’attendre sagement que ledit Conseil constitutionnel apprécie le bien-fondé ou le mal- fondé de l’exception (en y faisant droit ou en la rejetant). Après cela, elle pourrait renouer avec sa plénitude de juridiction, le sursis à statuer étant levé ». A n’en pas douter, la défense veut bien régler cette question procédurale avant d’aller au fond. Mais, est- ce que le Parquet est obligé de les suivre ?

Le recours n’est pas recevable, par conséquent, le pourvoi ne peut pas empêcher l’enrôlement du dossier

« En principe le pourvoi en cassation n’est pas suspensif. Maintenant, le texte a prévu des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le pourvoi est suspensif. Dans le cas de détention, le pourvoi est suspensif. S’il s’agit de de- mande de liberté provisoire, par exemple, si la Chambre ordonne sa libération et que le Parquet général fasse un pourvoi, le pourvoi est suspensif dans ce cas; la personne reste en prison. En matière immobilière et en matière de filiation, le pourvoi est également sus- pensif », explique un avocat sous le sceau de l’anonymat.

Il poursuit :  « maintenant, il faut dire que, pour cette affaire, l’opportunité de renvoyer en police correctionnelle ou non, c’est-à-dire l’ordonnance de renvoi, a priori, c’est irrecevable. Cela ne fait même pas partie des cas où l’on doit faire un recours. Et donc, dans ce cas, je doute fort que le pourvoi puisse être suspensif, au point d’empêcher le Parquet d’enrôler le dossier ». Que la défense de Ousmane Sonko fasse du dilatoire pour retarder le procès ou non, le procureur de la République n’a pas les mains liées. Le Parquet peut bel et bien enrôler le dossier. C’est l’avis ferme d’un magistrat que nous avons, interpellé. « Contrairement à l’appel, le recours en cassation n’est pas suspensif, de façon générale. Cela ne peut pas empêcher l’enrôlement. Et puis la Cour suprême peut bien enrôler très rapidement l’affaire et statuer là-dessus. Je crois qu’il ne leur reste que d’aller en procès. Je crois qu’au Sénégal, nous avons la chance d’avoir des magistrats aguerris, très professionnels, il peut y avoir parfois quelques errances, mais ils sont très bons surtout en matière pénale», explique notre interlocuteur.

Les Echos

Articles du même type

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Close