Avec 36% des voix, Bola Tinubu est élu Président et va succéder à Muhammad Buhari en Mai prochain. Emedia.sn braque les projecteurs sur l’homme d’État qui va présider aux destinées du géant économique ouest africain et, par ailleurs, pays le plus peuplé du continent et les immenses défis qu’il devra relever.
“C’est mon tour”, un slogan de campagne qui s’est avéré une prophétie. Bola Tinubu devient le 5ème Président élu du Nigeria depuis la restauration de la démocratie en 1999. Les résultats du scrutin créditent l’actuel Vice-Président sortant de 36% des voix contre 29% pour Atiku Aboubakar et 25% pour Peter Obi. Alors que le bilan du Président sortant Muhammad Buhari est largement contesté et que le pays est plongé dans une crise économique et sécuritaire sans précédent, les chances de Tinubu, candidat du parti au pouvoir, semblaient réduites. Toutefois, il a pu bénéficier d’une opposition divisée. Jusqu’en juin 2022, Obi était membre du PDP le parti d’opposition qui a investi Abubakar. Obi est parti du PDP pour contester l’investiture d’un homme âgé de 76 ans et qui avait été jusque-là candidat malheureux à la présidentielle à 5 reprises. Ces deux figures de l’opposition peuvent avoir des regrets car la somme de leurs scores avoisine les 50% et dépasse donc les 36% de Tinubu.
Bola Tinubu, 71 ans est présent sur la scène politique nigériane depuis une trentaine d’années. En 1993, il est élu Sénateur de Lagos mais est contraint à l’exil un an plus tard par le régime militaire de Sani Abacha. Il reviendra au pays à la mort de ce dernier en 1998 et sera élu Gouverneur de Lagos l’année suivante. En huit ans, il réussit à attirer de nombreux investisseurs et à faire de Lagos un État prospère et le poumon économique du Nigeria. En 2015, son soutien en tant que colistier est déterminant pour la victoire de Buhari et l’avènement de la première alternance démocratique du pays depuis la fin des régimes militaires. C’est à cet exploit qu’il doit sa réputation de “faiseur de roi”. Pour les élections de 2023, il est investi candidat par le parti au pouvoir et reçoit le soutien de Buhari. Toutefois, étant donné la situation déplorable du pays, il se garde de mettre en avant sa proximité avec le pouvoir ainsi que son bilan en tant que Vice-Président. C’est sur son passé de Gouverneur et artisan du développement économique de Lagos que les projecteurs sont pointés. Il promet de rééditer l’exploit au niveau fédéral et de faire du Nigéria un pays plus prospère et plus pacifique. Ce Yorouba présente l’intéressante particularité d’être un musulman du Sud marié à une chrétienne. La future Première Dame Oluremi Tinobo est actuellement Sénatrice de Lagos et promet que son mari fera d’importantes réformes en Education et en Santé. Il n’est pas encore indiqué si la future première dame va conserver son mandat de sénatrice.
En attendant, l’opposition divisée durant la campagne, joint ses efforts pour appeler à l’annulation des élections. Des problèmes technologiques, des retards à l’ouverture de bureaux de vote, des violences et intimidations et la manipulation des résultats sont quelques-uns des problèmes évoqués pour justifier le rejet des résultats du scrutin. Tinubu balaie ces accusations et appelle ses opposants à l’unité. « C’est un pays que nous devons construire ensemble, en recoller les morceaux brisés. Nous devons travailler dans l’unité », a-t-il dit. Avec un score de 36%, le nouvel homme fort du Nigeria est loin de faire l’unanimité auprès des Nigérians confrontés à l’insécurité et à des difficultés économiques. Plusieurs fois accusés de corruption et de blanchiment d’argent sans être condamné, le nouveau Président est l’un des hommes les plus riches du pays. Il a des actions dans de nombreuses entreprises, des médias à l’aviation, en passant par l’hôtellerie et l’immobilier.
La menace Peter Obi
Le Président élu a quatre ans pour convaincre les Nigérians qui ont envoyé un signal fort à travers Peter Obi. Avec un score de 25%, Obi est le premier candidat non investi par les deux partis majeurs à réaliser un score aussi significatif. En outre, il a battu Tinubu dans son fief à Lagos et est immensément populaire auprès des jeunes. Sachant que 40% des électeurs inscrits ont moins de 34 ans et que ce pourcentage pourrait augmenter lors des prochaines élections prévues en 2027, Obi sera le plus sérieux opposant du Président élu. Autre fait qui pourrait profiter à Obi, Attiku Aboubakar qui aura 80 ans lors des prochaines élections pourrait ne pas se présenter. Son électorat devrait revenir à Obi qui est issu du même parti que lui.
La période de grâce de 100 jours habituellement accordée à un président pourrait ne pas s’appliquer pour Tinubu. Une série de crises affectent le quotidien des Nigérians. Une pénurie de carburant dans un pays pourtant producteurs de pétrole, une inflation à 21%, un taux de chômage en hausse et un pouvoir d’achat en baisse, la Naira dont la valeur ne cesse de dégringoler, des enlèvements contre rançons et des attaques terroristes. Tels sont les éléments d’une liste non exhaustive des problèmes que le Président élu est appelé à résoudre.
Marly DIALLO
