SOCIETE

Exposition – Photographies de Matar Ndour : Au cœur des rituels des ethnies du Sénégal

Depuis de nombreuses années, il parcourt les profondeurs du Sénégal pour fixer la mémoire de ses cultures les plus emblématiques. L’ethno-photographe Matar Ndour expose depuis quelques semaines à la Place du Souvenir de Dakar. «Le corps porteur de symboles : le moi en soi» met en lumière des ethnies du Sénégal dans leurs particularités mais aussi dans leurs similitudes.

Par Mame Woury THIOUBOU  – Il porte des perles un peu partout sur son corps. Des bandes d’étoffes colorées. Le regard fixé sur l’objectif, sa tête est couverte de tresses. Par-dessus sa tête, un arc sur lequel sont attachés des foulards colorés. Cet initié bassari d’Oubadji à la frontière avec la Guinée Conakry illustre un de ces précieux moments saisis par le photo-ethnologue Matar Ndour. A l’occasion de la Journée internationale de la diversité culturelle, l’artiste a inauguré une exposition à la Place du Souvenir. Ce travail, fruit de nombreuses années, a été mené avec le socio-anthropologue Abdou Ndukur Kacc Ndao sur ces ethnies de la Casamance, du Cap vert ou du Sénégal Oriental. Le corps porteur de symboles : le moi en soi est le titre de cette exposition qui est visible à la bibliothèque de la Place du Souvenir. «Dans nos sociétés africaines traditionnelles, la symbolique représente beaucoup de choses. Rien n’est innocent et comme on dit, nous sommes dans une société de mémoires mais aussi à communication visuelle, où tous les éléments ont leur importance.

Dans une assemblée, la manière dont les gens sont habillés, dont ils sont installés, permet de savoir la responsabilité des uns et des autres. Et au niveau des cérémonies traditionnelles, l’habillement des gens, les colliers qu’ils portent, les parures et les tresses en disent long sur le rang qu’occupe la personne dans la communauté», explique l’artiste. Le temps de cette exposition, la salle s’est transformée en un lieu de mémoire. Et c’est de cela qu’il s’agit dans le travail des deux chercheurs. «Cette exposition, qui nous sert de prétexte et de cadre, nous permet d’avoir une approche ethno-photographique comparative autour de trois grandes communautés transversales, les Ajamaat de la basse Casamance, du Sud de la Gambie et de la Guinée-Bissau appelés aussi les Floups, les Bijagos de l’archipel de la Guinée-Bissau», introduisait le Pr Ndao lors d’un des panels qui accompagnent cette exposition. En effet, le temps de l’exposition, des panels et discussions ont réuni des spécialistes pour discuter notamment des «similitudes et particularités sous le double rapport des initiations et systèmes d’organisation sociale et religieuse et la subsistance voire survivance d’une pratique matrimoniale : le matriarcat». A Tendouck, une file de femmes portant de petits canaris en terre cuite sur la tête et vêtues de cotonnades traditionnelles sont immortalisées par le photographe. Elles portent des offrandes à la reine de la pluie Kuyito.

Sur une autre photo, une femme bedick d’Iwol pose avec une multitude d’anneaux argentés aux oreilles, son nez est transpercé par une épine de porc-épic. C’est le signe qu’elle est la femme d’un grand chasseur reconnu. Chez les lébous de Rufisque, le photographe s’est intéressé aux prêtresses du culte. Deux femmes portant des tatouages sur le contour des lèvres et du menton posent fièrement devant l’objectif. Sur leurs têtes, les foulards artistiquement noués sont ornés de louis d’or. Bijoux aux poignets, elles sont le symbole de ces cultures qui se perpétuent dans les traditions de leurs peuples. Beaucoup plus au Sud, en Casamance, Matar Ndour s’intéresse à ces pratiques d’initiation qui continuent encore aujourd’hui de rythmer la vie des communautés.

Dans le royaume d’Oussouye, un homme incarne la préservation de ces cultures, c’est le Maan Sibilumbay Diédhiou. Une installation de feuilles et de bambou met en valeur une photographie grandeur nature du roi. Assis dans sa cour, il est vêtu de rouge et porte l’insigne de sa charge. Dans ces contrées, les rites liés à l’initiation ont des similitudes. Mais chacun de ces peuples a aussi ses particularités. Le photographe a aussi promené son objectif vers les Saltigués sérères, les Peuls mais aussi les Lébous. Mais le clou de l’exposition est sans doute cette double représentation du Djaraf Youssou Ndoye.

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