TECHNOLOGIE

SIDA: une énigme de 40 ans enfin résolue sur le VIH

Depuis des décennies, chimistes et biologistes tentent de comprendre pourquoi une seule forme du VIH se transmet sexuellement tandis que ses autres formes semblent bloquées par le liquide séminal. Une équipe internationale de scientifiques lève enfin le voile sur cette énigme de plus de 40 ans en démontrant le rôle de deux petites molécules: la spermine et la spermidine.

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH-1) cible 3 types de cellules du système immunitaire: les lymphocytes T, les monocytes et les macrophages. Son entrée dans ces cellules implique la liaison de la glycoprotéine d’enveloppe virale gp120 au récepteur CD4 exprimé à la surface des cellules. Cette liaison entraîne un changement de conformation de la glycoprotéine qui permet au virus de se lier à deux autres corécepteurs membranaires exprimés par la cellule hôte: les récepteurs CXCR4 ou CCR5. On parle alors respectivement de souches de VIH à tropisme X4 (VIH-X4) ou R5 (VIH-R5). Ces deux étapes, la fixation au récepteur principal puis au corécepteur sont indispensables à l’infection des cellules cibles.

Le sperme est le vecteur principal de la transmission sexuelle du VIH-1 et on retrouve bien les deux sous-types de virus (X4 et R5) dans la fraction liquide du sperme, appelée liquide séminal. Ce liquide est composé de protéines, lipides, métabolites et de très grandes quantités de petites molécules chargées positivement: les polyamines, essentiellement la spermine et la spermidine. De manière surprenante, malgré la présence concomitante des virus X4 et R5 dans le liquide séminal, seuls les virus VIH-R5 sont transmis par voie sexuelle. Ceci est d’autant plus surprenant que le récepteur CXCR4 est plus largement exprimé à la surface des cellules cibles du VIH que le récepteur CCR5. Il existe donc une « barrière » anti VIH-X4 qui n’a toujours pas été découverte.

Pour identifier les facteurs susceptibles de limiter la transmission sexuelle des HIV-X4, un collectif européen de chimistes et biologistes, dirigé par une équipe du Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (CNRS/Université Paris Cité), ont généré une bibliothèque de composés dérivés du liquide séminal. Ils ont ensuite évalué les effets anti-VIH de chaque fraction sur les cellules cibles du VIH. Parmi celles-ci, quatre fractions adjacentes bloquaient l’infection par les VIH-X4 mais pas par les VIH-R5. L’analyse de ces fractions a révélé qu’elles contenaient toutes des polyamines, essentiellement de la spermine et de la spermidine. L’étude a permis de montrer que la spermine se fixe sur le corécepteur CXCR4, ce qui a pour conséquence de bloquer sélectivement l’infection des lymphocytes T et macrophages par les VIH-X4. La spermine et la spermidine contenues dans le liquide séminal semblent donc être à l’origine de l’énigme non résolue depuis plus de 40 ans de la transmission sexuelle des virus.  Spermine and spermidine bind CXCR4 and inhibit CXCR4- but not CCR5-tropic HIV-1 infection.

Mirja Harms, Nikaïa Smith, Mingyu Han, Rüdiger Groß, Pascal von Maltitz, Yasser B. Ruiz-Blanco, Yasser Almeida-Hernández, Armando Rodriguez-Alfonso, Dominique Cathelin, Birgit Caspar, Bouceba Tahar, Sophie Sayettat, Nassima Bekaddour, Kanika Vanshylla, Franziska Kleipass, Sebastian Wiese, Ludger Ständker, Florian Klein, Bernard Lagane, Arnaud Boonen, Dominique Schols, Serge Benichou, Elsa Sanchez-Garcia, Jean-Philippe Herbeuval & Jan Münch.

Science Advances 2023

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