TECHNOLOGIE

Ce médicament utilisé en cardiologie pourrait soigner le cancer du pancréas

Le cancer du pancréas reste encore mortel car souvent réfractaire à toute approche thérapeutique, rendant nécessaire l’identification de nouvelles thérapies. Des travaux publiés dans iScience rapportent des essais précliniques prometteurs d’utilisation de la perhexiline, un médicament utilisé en Australie et Nouvelle Zélande pour soigner une pathologie cardiaque.


Les mitochondries sont la principale source d’énergie (ATP) produite par la chaine respiratoire mitochondriale qui contient 5 complexes, alimentés par les nutriments via le cycle de Krebs appelé aussi cycle TCA (Tricarboxylic Acid). Les cellules tumorales pancréatiques sont sensibilisées à l’action antitumorale de la chimiothérapie (la gemcitabine est le traitement de référence dans le cancer du pancréas) par l’action de la perhexiline induisant un stress énergétique et oxydatif par augmentation de production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) mitochondriales.
© Alice Carrier et Gabriela Reyes Castellanos. Le cancer du pancréas reste un cancer réfractaire aux approches thérapeutiques en raison d’un diagnostictardif et de la résistance aux thérapies. Des progrès récents dans la connaissance de sa biologie ont notamment mis en lumière une forte reprogrammation métabolique sous-jacente à cette résistance. Le domaine de recherche d’étude des dépendances métaboliques des cancers a regagné ces 20 dernières années un intérêt considérable de la part des scientifiques et oncologues.

Ces recherches ont en particulier démontré l’importance d’organites cellulaires, les mitochondries, dans le métabolisme tumoral. Les mitochondries, appelées les « chaudières » des cellules, sont au centre de la balance entre survie et mort des cellules cancéreuses, puisqu’elles ont un rôle essentiel à la fois dans la production d’énergie (molécule d’ATP) par la chaîne respiratoire et dans la mort cellulaire par apoptose.

Les scientifiques s’attachent à l’étude du métabolisme mitochondrial dans les tumeurs pancréatiques qui reste encore peu exploré. En 2020, ils avaient montré que l’inhibition de la production d’ATP par la respiration mitochondriale augmentait la chimiosensibilité des cellules cancéreuses pancréatiques en culture et dans des souris greffées avec des cellules tumorales de patients (appelées souris xénogreffés).

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques utilisent des inhibiteurs du métabolisme des acides gras dans les mitochondries, dévoilant que certaines cellules cancéreuses pancréatiques sont très sensibles à l’action de ces inhibiteurs, en particulier celle de la perhexiline. Ainsi, la perhexiline, en combinaison avec la chimiothérapie, induit une élimination complète de la tumeur dans un modèle de souris xénogreffées. Les scientifiques supposent que la synergie entre la perhexiline et la chimiothérapie repose sur l’induction d’un stress énergétique et oxydatif, qui serait à l’origine de cet effet anti-tumoral. Ne reste plus aux scientifiques qu’à décrypter ces mécanismes. La perhexiline est un médicament utilisé pour soigner l’angine de poitrine due à une insuffisance coronarienne en Australie, Nouvelle-Zélande et certains pays asiatiques. Malgré son succès, son utilisation a été abandonnée en France en raison de l’apparition d’effets secondaires, notamment une neurotoxicité et une hépatotoxicité chez une petite proportion de patients. On sait maintenant que ces effets secondaires sont attribuables aux concentrations plasmatiques élevées qui se produisent avec les doses standard chez les patients dont le métabolisme est altéré en raison de mutations du CYP2D6. En conséquence, la modification de la dose chez ces patients, identifiés par la surveillance du plasma thérapeutique, peut éliminer les effets secondaires.

Ainsi ces travaux soutiennent l’intérêt d’essais cliniques de repositionnement de la perhexiline dans le cancer du pancréas en combinaison avec la chimiothérapie. L’identification des cibles moléculaires de la perhexiline dans les cellules cancéreuses pancréatiques permettra de développer un test compagnon afin d’identifier les patients susceptibles de répondre à cette poly-chimiothérapie.

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