Lors du Sommet Russie-Afrique, qui s’est achevé hier à Saint-Pétersbourg, le Président Sall a insisté sur la souveraineté alimentaire, économique et aussi sécuritaire de l’Afrique. Même si le continent doit compter sur l’appui de ses partenaires, dit-il, Macky Sall a soutenu qu’il ne croit pas à l’aide, mais à un partenariat d’égale dignité. Il répondait ainsi au chef de la junte burkinabè, qui s’en est pris à certains dirigeants africains qui mendient et chantent la même chose que les impérialistes.
Par Woury DIALLO (Envoyé spécial) – Le Sommet Russie-Afrique, qui s’est achevé hier à Saint-Pétersbourg, restera certainement dans les annales de l’histoire. Car, au-delà de la symbolique marquée par la présence d’une vingtaine de chefs d’Etat africains, le sommet aura été l’occasion de poser les vrais problèmes du continent. A l’image du Président Macky Sall, qui a tenu à mettre sur la table les règles d’une base claire de discussions. «Je ne crois pas à l’aide en réalité. C’est pour répondre à notre jeune frère, notre cadet, Capitaine Traoré, Président du Faso. Les chefs d’Etat ne sont pas venus ici pour mendier, tout comme nous n’allons pas aller ailleurs pour tendre la main. Nous travaillons pour un partenariat d’égale dignité entre les peuples. C’est le même discours qu’on tient à Dakar, ici où à Washington», a précisé le Président Macky Sall, lors de la Conférence des chefs d’Etat présidée par le Président russe, Vladimir Poutine.
Le Président Sall répondait ainsi au chef de la junte burkinabè, qui s’en était pris à certains dirigeants dans son discours contre «l’impérialisme» en scandant des expressions sankaristes. Il souligne que «le combat de l’Afrique est d’abord celui pour la dignité. Et ce combat, il transcende les générations. Je suis très heureux d’être à côté du Président Museveni ou du Président Denis Sassou-Nguessou, qui ont été pour certains des combattants de la liberté, pour d’autres des modèles de résilience». A l’en croire, «chaque génération a son combat à mener. Le nôtre, c’est d’abord de combattre le terrorisme qui est en train de gangréner notre continent, mais aussi de travailler pour le développement de notre continent». Mais pour cela, ajoute Macky Sall, «si on y regarde de très près, pourquoi l’Afrique en est à cette situation ? C’est justement le poids de l’histoire, l’héritage de l’esclavage, de la colonisation qui se poursuit à travers des manifestations de néo-colonialisme et à travers l’injustice du système que nous combattons au quotidien».
Rappelant qu’il a été demandé «la réforme du système des Nations unies, la réforme de la gouvernance mondiale qui, aujourd’hui, conditionne la vie de nos Etats.
Et quels que soient par ailleurs nos efforts», le Président Sall estime que «si ces règles ne sont pas modifiées, nous n’irons nulle part. C’est pourquoi il est important que nous travaillions dans la solidarité, que nous travaillions également à l’échelle du continent puisque les défis sont majeurs».
A l’endroit de ses pairs et du Président russe, le chef de l’Etat avance : «Nous avons des micro-Etats, hérités de la Conférence de Berlin, ce qui nous empêche de travailler à l’échelle. Si on ne comprend pas cette situation, on perdra beaucoup de temps, sans efficacité.»
Pour aller plus vite en prenant la bonne direction, la Russie serait une bonne partenaire. «Je crois que la Russie, avec ses capacités en matière d’investissement, peut travailler avec l’Afrique sur ses grands projets régionaux. Et l’Afrique a besoin d’infrastructures de développement, de chemin de fer, d’électricité, de barrages, elle a besoin de la sécurité collective. Et sur tout cela, l’Union africaine, à travers différents mécanismes, que ce soit l’Auda Nepad (The African Union Development Agency), les programmes régionaux, nous avons le programme qu’il faut. Et je pense qu’avec la Russie, nous pourrons travailler ensemble avec les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et avec tout autre partenaire qui souhaiterait travailler dans nos priorités, nous pourrons ensemble bâtir une prospérité partagée.»
«Toutes les contraintes contre le commerce des céréales et des fertilisants doivent être levées»
Evoquant les soucis qui plombent le développement du continent, l’ancien président de l’Union africaine se désole de l’insécurité au sein du continent et dans le monde. Il dit : «S’agissant maintenant de nos soucis, notre souci principal reste la paix sur le continent. Notre souci, c’est la sécurité à l’échelle du continent et du monde. Nous souhaitons, monsieur le Président, la désescalade pour aider à l’accalmie et à la restauration du libre commerce des céréales et des fertilisants. Ça, c’est mon discours depuis le premier jour du conflit russo-ukrainien. Puisque l’Afrique, au-delà du blé, produit des céréales. Nous produisons du mil, du maïs, du sorgho. Nous produisons toutes sortes de céréales, et sans fertilisant, comment allons-nous faire ?» Selon lui, «toutes les contraintes contre le commerce des céréales et des fertilisants doivent être levées. Nous aurons l’occasion, sur l’initiative de la paix africaine, d’avancer sur ces sujets. Mais aussi, cela nous permettrait, par rapport aux autres partenaires sur les restrictions par rapport au commerce, de plaider pour la levée de toutes les restrictions afin que les pays puissent retrouver un commerce libre au bénéfice de toutes les populations».
«Pour une prospérité partagée»
Pour le partenariat avec Moscou, le Président Sall souhaite «une action de la Russie à l’échelle de l’Union africaine dans le domaine de la sécurité. Nous avons une architecture de la paix pour l’Union africaine. Nous sommes en train de voir comment l’Afrique peut se prendre en charge, dès lors que le Conseil de sécurité a failli à cette mission qui est de restaurer la paix partout dans le monde».
Alors que le terrorisme «gangrène» le continent «sans qu’il n’y ait aucune solidarité majeure en faveur de l’Afrique», Macky Sall estime que c’est un sujet important pour notre sommet.
L’autre sujet important évoqué par Macky Sall concerne «l’investissement», qu’il espère se faire avec la Russie, «pour une prospérité partagée». Après avoir tenu à féliciter et remercier le Président russe «pour le soutien diligent que vous avez apporté à la demande d’adhésion de l’Afrique comme membre de plein droit du G20. Cela participe de notre revendication pour une gouvernance politique et économique mondiale plus juste et plus inclusive, y compris par la réforme du Conseil de sécurité afin que l’Afrique y trouve enfin une place plus conforme aux réalités de notre temps».