TECHNOLOGIE
Cartographier la structure de la cornée humaine
Obtenir une information précise sur la structure de la cornée est essentiel pour comprendre sa capacité à garantir une bonne acuité visuelle. Une équipe a développé une approche originale combinant la microscopie dite SHG et la polarimétrie pour imager la microstructure sous forme de lamelles de dix cornées humaines. L’un des rôles fondamentaux de la cornée est de contribuer à la focalisation de la lumière sur notre rétine. Sa forme courbe, et donc sa capacité de focalisation, doivent être parfaitement stables afin d’assurer une image nette malgré les différents chocs et frottements reçus au cours d’une journée
La cornée est ainsi composée de plusieurs centaines de lamelles de collagène empilées les unes sur les autres selon des orientations variables. Mais la transparencede ce tissu, indispensable à l’acuité visuelle, est un frein à son imagerie par les microscopes optiques conventionnels. De fait, la caractérisation insuffisante de la structure lamellaire de la cornée limite aujourd’hui la compréhension du lien entre structure et fonction de ce tissu, notamment au niveau de ses propriétés mécaniques. Ainsi, certaines pathologies en lien avec une structure défectueuse de la cornée, par exemple le kératocône, restent encore aujourd’hui mal comprises.
Dans un travail récent, une équipe du Laboratoire d’optique et biosciences (LOB, CNRS / Ecole Polytechnique / Inserm) a utilisé une technique d’imagerie optique tridimensionnelle (3D) récente, la microscopie par génération de seconde harmonique(dite microscopie « SHG ») pour visualiser spécifiquement le collagène sans aucun marquage préalable. L’originalité de leur approche est de jouer sur la polarisation de la lumière (la direction du champ électrique de l’onde optique) pour révéler la direction des fibrilles de collagène qui composent les lamelles de la cornée. Cette imagerie est effectuée en réflexion, ce qui permet de l’envisager à terme comme diagnostic in vivo, et donne par ailleurs des résultats bien plus précis qu’en transmission.
Dix cornées humaines intactes ont ainsi pu être caractérisées, et ont servi à valider la méthode, car la polarimétrie SHG n’avait jamais été mise en place sur des tissus d’une telle épaisseur (environ 600 µm). En particulier, les chercheuses et chercheurs montrent pour la première fois que si les lamelles de la cornée humaine sont globalement orientées selon deux directions perpendiculaires, leur direction majoritaire évolue avec la profondeur.
Cette étude ouvre la voie vers de nouvelles caractérisations prometteuses de la cornée, comme la cartographie de la taille et de la répartition des lamelles en fonction de la profondeur, mais également en fonction de la position (centre ou périphérie du tissu). Ces informations permettront d’alimenter des modélisations mécaniques de comportement de la cornée lors de variations de pression intraoculaire ou de processus de cicatrisation. Enfin, l’étude de tissus pathologiques précisera le rôle de la structure défectueuse de la cornée dans le cas de certaines maladies. Ces résultats sont publiés dans la revue Light: Science and Applications.
Références
Unveiling the lamellar structure of the human cornea over its full thickness using polarization-resolved SHG microscopy,
Clothilde Raoux, Anatole Chessel, Pierre Mahou, Gaël Latour et Marie-Claire Schanne-Klein,
paru le 2 août 2023 dans Light: Science and Applications.