TECHNOLOGIE
Chaque goutte de l’océan enferme les traces d’un ancien monde
- Le sel de mer n’est pas seulement un simple condiment. À l’intérieur, il renferme une histoire géologique vieille de millions d’années, préservée dans de minuscules gouttelettes d’eau de mer. Grâce à un équipement spécialisé financé par la National Science Foundation, Mebrahtu Weldeghebriel, post-doctorant à l’Université de Princeton, et le professeur émérite Tim Lowenstein de l’Université de Binghamton, ont retracé les variations de la composition chimique de l’eau de mer sur les 150 derniers millions d’années. Ces découvertes apportent également un éclairage sur les processus géologiques et climatiques associés. Dans leur étude, publiée dans la revue Science Advances, les chercheurs ont comparé la mer à une « grande soupe » composée d’éléments divers. Si le sodium et le chlore en sont les principaux composants, d’autres éléments, comme le lithium, y sont présents en infimes quantités.
Pour leurs recherches, ils ont analysé des échantillons de sel (halite) formés à divers moments sur les 150 derniers millions d’années, provenant de diverses régions du monde. Chaque grain de sel renfermait de petites poches d’eau de mer ancienne. En utilisant un laser pour percer ces cristaux de sel, puis un spectromètre de masse, ils ont analysé le lithium contenu. Cet élément a connu une baisse considérable au cours des 150 derniers millions d’années, parallèlement à une augmentation du rapport magnésium/calcium.
Mais quelle en est la raison ? Les chercheurs estiment que cette variation est liée à la réduction de la production de croûte océanique et de l’activité hydrothermale des fonds marins, tous deux influencés par les mouvements des plaques tectoniques. Une diminution de l’activité tectonique a entraîné une moindre introduction de lithium dans les océans et une baisse des émissions de dioxyde de carbone, contribuant ainsi a un refroidissement global. En remontant le temps de 150 millions d’années, la Terre était plus chaude avec plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et plus de lithium dans la mer.
Graphiques montrant les variations des rapports Li+/Mg2+ dans diverses inclusions fluides extraites de sels datant de différentes périodes géologiques.
Credit: Science Advances
Pour Mebrahtu Weldeghebriel, ces changements illustrent le lien étroit entre la composition chimique des océans et de l’atmosphère. La recherche de Weldeghebriel et Lowenstein apporte un nouvel éclairage sur la chimie des océans anciens et l’impact des mouvements tectoniques sur la composition de notre planète.
« L’océan et l’atmosphère sont interdépendants. Tout est connecté », conclut Lowenstein.