SOCIETE
Trois questions a…. Cheikh Ciss alias Zap, Secrétaire national du Synpros : «Tout le monde n’ était pas préparé au changement»
Par Bocar SAKHO – A quel moment avez-vous senti que le métier de photographe est en train de changer ?
C’est en 1989 que nous avons mis en place l’Association des jeunes photographes professionnels. Ensuite, nous avons créé le Synpros (Syndicat des photographes professionnels du Sénégal), reconnu sous le numéro 140 du 10 août 1990. C’était pour valoriser le métier de photographe. Quand nous avons rencontré Me Abdoulaye Wade en 1991, ministre d’Etat à l’époque, dans le cadre du gouvernement élargi du temps de Diouf, il nous a demandé quels sont les besoins de la photo. Nous ne pouvions rien dire. Il nous a dit qu’un métier doit s’apprendre. Après cette audience, nous avons trouvé des partenaires comme la Fondation Konrad Adenauer pour financer nos formations. Nous avions initié les sessions de l’Abc de la photo. Nous étions la principale clientèle des labos, qui étaient détenus exclusivement par des étrangers. Ils ramassaient beaucoup de millions. Me Wade nous avait encouragés sur cette voie en nous disant que cela nous permettrait d’avoir des mutuelles de santé, des coopératives. Nous avions mis en place le Gie Sunu Labo et nous avions réussi à en implanter 4 (Pikine, Grand-Yoff, Rufisque et Ziguinchor). Malheureusement, il a été liquidé en 2005. Alors que j’étais à Ziguinchor où je gérais le labo. Ce n’était pas un problème de gestion, mais on a surtout été floués.
Aviez-vous senti que les temps étaient en train de changer avec la venue du numérique ?
Moi, dès 2000, j’ai alerté mes collègues que la révolution du numérique allait provoquer des changements. Comme j’étais en contact avec le Groupement national des photographes parisiens, qui regroupait plus de 40 syndicats, j’ai senti que cela devenait inéluctable. Tout le monde ne s’y était pas préparé. Et les smartphones sont venus accélérer le déclin du secteur. Les studios ont disparu, les laboratoires ont fermé, provoquant des licenciements. Il y avait plus de 200 labos, il en reste à peine quelques dizaines… Il fallait s’adapter à un nouvel environnement du travail. Certains ont acheté des appareils numériques et des ordinateurs pour continuer à vivre de leur art. Ce n’est plus comme avant parce que les gens ne se photographient plus et préfèrent utiliser leur téléphone. On pouvait gagner 500 mille F à l’époque, maintenant on a à peine la possibilité de gagner 150 mille par mois.
Que faire pour relancer le secteur ?
Nous allons relancer le syndicat pour trouver des financements, former les photographes. Il faut évoluer parce que les gens ne font que des portraits. Il faut aller faire des reportages. Par exemple, un bon appareil numérique coûte cher, donc nous aurons besoin de l’appui de l’Etat. Il faut recruter des photographes dans les cabinets ministériels. Par exemple, celui qui sert à la Présidence n’est pas Sénégalais, c’est une anomalie pour moi. La photographie est logée dans le secteur de l’artisanat et je suis le deuxième vice-président de la Chambre des métiers de Dakar. Il faut aider à structurer le secteur pour permettre aux photographes d’avoir des mutuelles de santé, des coopératives et des labos. Certains ont pu bénéficier de prises en charge et avoir des maisons quand Sunu Labo existait. Si un labo coûtait 35 millions, on peut désormais l’acquérir à 3 millions. En tout cas, nous allons organiser nos Assises en novembre pour parler des maux qui étranglent le secteur.