A quelques jours de l’ouverture des classes, le système éducatif sénégalais souffre déjà d’un manque d’enseignants, surtout dans les filières scientifiques. Si l’on se fie aux révélations du président de la Commission éducation à l’Assemblée nationale qui prenait part à la table ronde sur l’éducation, dénommée «Regards croisés d’experts externes», organisée par la Cosydep dans le cadre de son programme «Nos vacances pour l’école 2023», les enseignants sortants ne sont jamais remplacés. Pourtant, le Parlement a consenti des efforts pour combler ce gap en votant pour 6000 postes qui n’ont jamais été libérés, a dit le député Oumar Sy. «Mais ce qui est inquiétant est que, même si c’est libéré aujourd’hui, ces enseignants-là iraient dans les écoles sans une préparation pédagogique. C’est un fait très grave», a indiqué le Pr Abdou Salam Sall. Selon l’ancien Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, ce déficit d’enseignants est plus visible en sciences et en philosophie. Mais quelles en sont les causes ? «Des professeurs certifiés en maths, il y en a très peu dans le système. C’est dû à plusieurs raisons. En outre, les jeunes qui font maths à la Fac ont la possibilité de faire d’autres filières comme l’informatique, la robotique, la cryptographie, qui sont plus attractives et qui paient plus. Et à partir de cet instant, le choix est vite fait. Avant, quand il y avait un déficit de profs, on venait à la Fac pour recruter. Maintenant, quand on vient à la Fac, on n’en trouve pas», a expliqué le Pr Abdou Salam Sall. Pour remédier à ce manque d’enseignants en maths, et qui pourrait compromettre les études des apprenants, l’ancien président du Comité de pilotage des Assises de l’éducation et de la formation trouve qu’il faut donner suffisamment de statut à l’enseignant et à l’instituteur. Ainsi, il suggère de se battre pour créer une banque de l’éducation, pour que les enseignants aient un statut social que les autres n’ont pas, à savoir le respect, la considération et la rémunération. «Dès lors qu’on a un problème de déficit de qualification, nous pouvons le pallier en renforçant les capacités des enseignants qui sont en place. Mais aussi en les accompagnant par une banque de ressources pédagogiques où ce sont des enseignements standards qui sont délivrés, auxquels les élèves peuvent accéder. Si un élève a un bon enseignant en sciences, assez souvent il est aussi bon en sciences», a-t-il précisé.
C’est pour avoir des stratégies d’anticipation sur l’année scolaire que la Cosydep a organisé ce programme de vacances, afin d’échanger en profondeur sur des conflits probables et discuter de questions à fort enjeu avec les acteurs et les experts. A l’issue de cette table ronde, il est ressorti la volonté d’avoir un système éducatif qui devient l’affaire de tous, notamment les acteurs de l’éducation, les enseignants, les élèves, les parents d’élèves, les entreprises et Ong.
Autre suggestion des experts, c’est de faire de l’éducation une source de résolution des problèmes auxquels la société est confrontée dans les domaines économique, environnemental, climatique, sécuritaire, politique et de la crise des valeurs. Pour les acteurs, l’école doit pouvoir travailler à apporter des réponses à ces crises. Estimant aussi que l’éducation est un droit pour tous les enfants, ils demandent de résoudre le déficit des enseignants en vue de permettre aux enfants de jouir de ce droit.
Par Justin GOMIS –