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Cinéma – Révélation de la Mostra de Venise : Les premiers pas prometteurs de Seydou Sarr

Au cœur de la récente Mostra de Venise, l’émigration africaine en Europe, avec son cortège de drames, a captivé les cinéphiles, ainsi qu’un public plus nombreux que jamais en dépit de la grève de Hollywood. Ont été primés le film Io Capitano et son acteur principal, le débutant sénégalais Seydou Sarr, tout juste 18 ans, couronné du Prix Mastroiannid’interprétation masculine.

Par Jean-Pierre Pustienne ( Correspondance particulière) – Le jury de la 80e édition du plus ancien Festival international de cinéma au monde, la Mostra de Venise, a récompensé d’un Lion d’Argent le réalisateur italien Matteo Garrone, pour son film Io Capitano (Le Capitaine, c’est moi) narrant l’Odyssée de deux jeunes Sénégalais migrant vers l’Europe à travers le désert, la barbarie des camps libyens et les écueils de la Méditerranée. Le Prix d’interprétation masculine a été décerné au jeune Dakarois Seydou Sarr (18 ans), incarnant un personnage homonyme (Seydou) qui aurait pu être lui-même aux côtés de Moustapha Fall alias Moussa. Dans Io Capitano, péripéties, souffrances et ignominies subies sont ici tirées de témoignages authentiques, les histoires réellement vécues par Kouassi, Adama, Amara, Arnaud, Fofana ou Siaka… Pour autant, l’œuvre est infiniment plus puissante que le plus implacable des documentaires.

«C’est le parcours initiatique de deux garçons en route vers une «terre promise» et qui se retrouvent confrontés à une série d’horreurs», explicite le cinéaste Matteo Garrone. «Habituellement, nous voyons, nous, depuis l’Europe, les bateaux, le décompte des morts et l’arrivée à Lampedusa, mais jamais ce qu’ils vivent. Je voulais la vérité, pas le réalisme didactique», explique celui qui a réalisé dans la même démarche, le film Gomorra (2008) tiré du best-seller de Robert Saviano sur les arrière-cours de la Camorra, la «Mafia» napolitaine. Son intention, affichée et parfaitement aboutie cette fois encore dans Io Capitano, est de faire revivre au spectateur ce voyage «épique» et terrible, en toute subjectivité, «à travers le regard de deux garçons qui ne partent pas de la pauvreté absolue, mais ont les moyens financiers de la traversée vers l’Europe».
Pour autant, l’odyssée dont Seydou est le héros se proclamant «le capitaine», possède une dimension supplémentaire, celle d’un conte non dénué d’«abstraction féérique», à l’instar de celle narrée autrefois par un certain Homère. Cette dimension-là est parfaitement revendiquée et assumée par le même Garrone, à qui l’on doit l’ultime version cinématographique et fantasmagorique de Pinocchio (2019). «Il y a beaucoup de Pinocchio dans le voyage de Seydou et Moussa : eux aussi veulent se rendre dans ce qu’ils rêvent d’être le Pays des Jouets (Isola dei Balocchi) et découvrir malgré eux la violence d’un monde peuplé de malfaisants prédateurs», confiait récemment le réalisateur à nos confrères italiens de la revue Ciak. «Io Capitano suit deux chemins : celui qui part de l’observation de la réalité et celui lié au surnaturel et au conte de fées comme c’était le cas dans Pinocchio et dans Le Conte des Contes», autre film signé Garrone en 2015. En Italie, la magie semble payer. 72 heures après sa sortie, le film se hissait déjà au troisième rang du box-office italien.

Io Capitano a été tourné en Afrique, entre Dakar et le Maroc, où la partie libyenne de l’épreuve a été reconstituée en partie dans des centres de détention de Casablanca. A l’écran, Seydou et Moussa parlent wolof (sous-titré). «Il ne pouvait en être autrement», affirme le cinéaste dont les deux acteurs ont été castés parmi des comédiens amateurs à Thiès. Une première expérience pour les deux et un conte dans le conte si l’on veut, qui aboutit, vous avez dit magique ?, à une récompense internationale pour Seydou dont c’est la première apparition sur grand écran. Récompense qu’il partage volontiers avec Moustapha, son ami.

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