POLITIQUE
Développement de l’enseignement scientifique : Pr Abdou Salam Sall souligne l’importance des langues du terroir
L’ancien Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Pr Abdou Salam Sall, a souligné, jeudi à Dakar, l’importance des langues du terroir dans le développement de l’enseignement scientifique.
«Si on veut que nos enfants soient de bons scientifiques, on doit commencer l’éducation par la langue du terroir de l’enfant», a-t-il dit lors d’un panel à l’initiative de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique.
Il a expliqué ce recours aux langues nationales pour deux raisons. D’abord, il y a un capital humain dans la famille qu’on doit transposer à l’école, et ensuite l’expérience prouve que les enfants qui ont fait leur éducation à partir de leur langue de terroir «sont meilleurs non seulement en sciences, mais également en français», a dit Abdou Salam Sall, chimiste et ancien Doyen de la Faculté des sciences de l’Ucad. «Nos langues utilisent deux systèmes de numération, la base 5 et la base 10, connues des scientifiques, alors que le système francophone utilise la base 10. Quand l’enfant est rompu à la complexité, si vous déconstruisez cette aptitude chez lui au lieu de la consolider, il y a problème», a-t-il souligné à l’Aps.
Pr Sall a estimé qu’il faut également qu’on ait suffisamment d’enseignants qualifiés en sciences et technologies. «L’éducation, c’est l’affaire d’un peuple. Aujourd’hui, on peut créer une base de données pédagogiques où il y a tous les cours faits par les meilleurs professeurs», a-t-il relevé. «Dès lors qu’on n’a pas suffisamment d’enseignants qualifiés en sciences dans le système, il faut renforcer les capacités des enseignants en place et rendre disponibles sur le web des enseignements de toutes les sciences, notamment des mathématiques», a-t-il suggéré.
Doyen de la Faculté des sciences de 2000 à 2003 avant d’être nommé Recteur de l’université Cheikh Anta Diop, il a soutenu que «le problème d’enseignants qualifiés se pose parce que l’enseignement est déserté au profit de filières qui rapportent plus en termes de rémunération». Il a cité l’informatique, la cryptographie, les télécommunications, l’intelligence artificielle et d’autres métiers émergents des sciences.
«Payons plus les enseignants pour attirer les scientifiques vers l’enseignement, tout en favorisant l’approche expérimentale dans les apprentissages», a suggéré Pr Sall, soulignant que «quand on montre les différentes phases de l’eau en la faisant bouillir ou en la congelant, on enseigne mieux et plus vite». Pour ne pas reproduire le système colonial, il faut «une mutation profonde» de l’école, «un changement fondamental» du système déjà proposé par les Assises de l’éducation de 2014, selon l’ancien Recteur, également président de cette initiative en son temps.