Il y a 127 ans jour pour jour que se déroulait à Saint-Louis, le procès de Cheikh Ahmadou Bamba. A l’occasion du Magal, Bés bi Le jour revient sur cet épisode de la vie du fondateur du mouridisme qui continue de marquer les esprits avec la commémoration des deux rakkas le 5 septembre 1895.
Il y a 10 jours, la communauté mouride commémorait la prière des 2 rakkas dans le bureau du Gouverneur de l’Aof à Saint-Louis. C’était en effet le 5 septembre 1895 que Cheikh Ahmadou Bamba faisait face au conseil privé à Saint-Louis du Sénégal (Afrique occidentale française) à travers un procès « inique que l’histoire retiendra pour toujours », comme l’indique un document tiré de htcom.sn, le site du Hizbut Tarqiyyah, des extraits du Conseil privé en illustration. Et ce fut dans un contexte où plusieurs résistants ont été défaits.
Mais Serigne Touba, lui, était une équation pour le colonisateur. « Cheikh Ahmadou Bamba donc, dès le début – deuxième moitié du 19ème siècle-assumait déjà toutes les conséquences de sa conduite hautement spirituelle et s’armait d’une détermination à supporter tous les sacrifices, à savoir : les défis qu’il voulait relever dans la Voie droite au prix de sa propre vie et ce, pour la Face de Dieu, le Sublime », rapporte-t-on. De manière plus explicite, « il était intransigeant pour les choses sacrées, il s’appliquait à la plus haute perfection aux exercices de piété, n’acceptant ni compromis ni dérogation pour les choses qui touchent les Droits de Dieu et des hommes sur terre ».
Le chemin vers le procès
Le document retrace le processus qui l’a mené à Saint Louis : « C’est après plusieurs tentatives infructueuses pour inviter le cheikh à se présenter à Saint-Louis, que les convocations devinrent menaçantes mais ne donnèrent aucune suite. Ahmadou Bamba quitta Touba pour s’installer à Mbacké Bari, dans le Djolof, à 50 km au nord de Touba, en avril 1895. Il décide le 10 août 1895 d’aller répondre à la convocation du gouverneur en quittant Mbacké Bari et rencontre sur le chemin l’armée coloniale à Djéwol. Il est arrêté par cette dernière qui l’amène à Coki, puis à Louga afin de prendre le train en direction de Saint-Louis où il est placé au siège du gouverneur de l’Aof). Le jeudi 5 septembre 1895, le conseil privé dirigé par le gouverneur général Louis Mouttet, convoqua une assemblée à l’issue de laquelle la décision d’envoyer Cheikh Ahmadou Bamba vers le Gabon fut adoptée. »
« Interner le cheikh au Gabon pour faire oublier ses enseignements »
L’administration coloniale justifie alors sa décision : « Il ressort clairement du rapport que l’on n’a pu relever contre Ahmadou Bamba aucun fait de prédication de guerre sainte, mais son attitude, ses agissements, et surtout ceux de ses principaux élèves sont en tous points suspects. »
La source renseigne que le procès du 5 septembre 1895 s’inscrit dans « ce combat sans merci pour substituer à la culture islamique une autre culture et une autre religion » et avait pour objectif « d’arrêter de façon nette et sans appel les valeurs de culture et de civilisation enseignées par Cheikh Ahmadou Bamba ». La preuve est bien dans cet extrait du procès-verbal qui dit : « Le Conseil privé, après avoir entendu la lecture des rapports de M.M Merlin et Leclerc et fait comparaitre Ahmadou Bamba, a été d’avis, à l’unanimité, qu’il y avait lieu de l’interner au Gabon, jusqu’à ce que l’agitation causée par ses enseignements soit oubliée au Sénégal. » Une obstruction savamment orchestrée contre l’expansion des idéaux du marabout. « Il est donc clair que c’est son enseignement islamique qui dérangeait. Tout fut mis en œuvre pour disperser les disciples, faire disparaître à jamais tout ce qui se rapporte à Cheikh Ahmadou Bamba », lit-on sur le site du Jizbut Tarqiyyah.
Les 2 rakkas de Saint-Louis
En guise de reconnaissance, chaque année Saint Louis commémore cet événement parce que le Cheikh y a prié deux rakkas pour remercier son créateur de lui avoir permis de surmonter cette épreuve. Cette commémoration fait revivre un pan de l’hagiographie de Cheikh Ahmadou Bamba. Ce qu’il faut retenir d’essentiel dans cette étape de Saint Louis, c’est tout d’abord toutes les manœuvres souterraines pour liquider le Cheikh mais aussi, au terme de l’échec de toutes les tentatives, les actes officiels consistant à le traduire devant la haute instance qu’était le conseil privé.
Serigne Touba et la foi au Digne de reconnaissance
Dans son ouvrage intitulé Les Dons du digne de reconnaissance, relatant son exil, Serigne Touba revient sur cet épisode empreint d’histoire. « Les Dons du digne de reconnaissance » relatant son exil, le cheikh écrit : « J’ai subi dans cette île (Saint-Louis), au cours de cette période, des épreuves que je n’évoquerai jamais par courtoisie à l’endroit du plus Digne de reconnaissance Qui est adoré par amour pour sa face. Celles-ci (les épreuves) étaient une éducation spirituelle de la part du Vivant (Dieu) Qui ne meurt pas. Lui qui m’a dispensé de recourir aux armes contre l’assassin. »
Plus de 100 ans après ce procès, les enseignements du fondateur du mouridisme prospèrent aux quatre coins du monde. « Ses enseignements, c’est la foi en Dieu et en Dieu seul, c’est le travail qui permet de gagner le monde ici-bas et l’au-delà, c’est l’adoration sincère de son Seigneur. C’est avec ses enseignements que le Cheikh a conquis les cœurs, aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger. Cheikh Ahmadou Bamba est aujourd’hui plus que jamais la référence et l’échelle des valeurs pour toute personne qui aspire à la quiétude ici-bas et dans l’au-delà », a conclu le texte.