SOCIETE
Exploitation du zircon de Niafrang : L’Etat ferme la mine à Astron
La compagnie australienne Astron risque de perdre son permis d’exploitation du zircon de Niafrang. L’Etat sénégalais lui a notifié le retrait pour cause d’inactivité.
Par Justin GOMIS – L’exploitation du zircon de Niafrang n’est pas pour demain. L’Etat, qui avait confié l’exploitation de ce minerai précieux découvert dans la zone montagneuse de Niafrang, dans le département de Bignona, menace de retirer le permis à la compagnie australienne Astron. Et le motif invoqué pour justifier cette volonté, explique l’ingénieur géologue Ibrahima Diaw, «est que la compagnie Astron n’a pas exploité le gisement depuis que le permis lui a été octroyé».
Pourtant, rappelle le représentant de la compagnie au Sénégal, l’exploitation avait démarré, avant d’être suspendue suite à une notification du ministère des Mines et de la géologie, et jusqu’à présent, cette suspension n’a pas encore été levée.
«On a reçu une notification de l’administration minière nous disant que le projet est bloqué et que l’administration pourrait nous le retirer. Depuis lors, le projet était bloqué suite à cette notification de suspension par le ministère des Mines et de la géologie. Donc, tant que cette suspension n’est pas levée, la compagnie ne pourra pas aller sur les sites d’exploitation», a fait savoir l’ingénieur géologue. Lequel n’arrive pas à comprendre qu’après l’obtention du permis d’exploration en 2006 et celui d’exploitation en 2008, une telle décision leur soit signifiée.
Mais selon M. Diaw, ce n’est pas une surprise. «On l’a su depuis longtemps. Il y a de la manipulation et de la diabolisation. On connaît les soubassements. Les soubassements, c’est qu’aujourd’hui, ce permis est très convoité, principalement par un acteur qui est très dynamique dans la zone. Il mène une opération de charme envers une partie de la population. C’est un Gambien qu’on dit milliardaire. Mais, il n’est pas plus milliardaire que nous. Il exploitait un gisement en Gambie qui aujourd’hui est épuisé. Il cherche de nouveaux gisements et lorgne celui de Niafrang», dénonce-t-il.
Le collaborateur de la société australienne reste ainsi con-vaincu que la menace de retrait est liée aux velléités de ce Gambien à obtenir le permis, avec la complicité d’une partie des personnes qui habitent à Kabadio.
Une accusation qu’il fonde sur la démarche entreprise par le Gambien à son endroit. «La personne qui convoite aujourd’hui l’exploitation est venue me voir pour négocier son implication dans l’exploitation de ces gisements et sous la recommandation d’une autorité administrative. Il voulait se positionner. Il disait qu’il pouvait débloquer le projet, il peut trouver une solution. En tant que Mandingue, qu’il a les canaux de communication plus performants que les miens», a-t-il soutenu.
Avant de souligner que «ces gens n’ont aucun savoir-faire par rapport à la technique de réhabilitation».
Toutefois, l’ingénieur géologue précise que cette personne qui exploitait un gisement à Sanya en Gambie, y a laissé un passif environnemental sans précédent qu’il ne souhaite guère pour le Sénégal.
«Ce n’est pas normal qu’on l’accepte ici. Parce qu’en Gambie, peut-être les gens sont moins regardants. A Sanya, chacun peut aller voir la catastrophe écologique qu’ils ont laissée là-bas. Je ne pense pas que le Sénégal mérite de vivre cette catastrophe», avertit-il.
Et de préciser que la compagnie australienne est bien dans les dispositions d’exploiter le gisement.
«Les moyens techniques et financiers sont disponibles ; le matériel est déjà acheminé et stocké à Dakar.
Donc, si on a le feu vert du gouvernement, demain, on peut démarrer les travaux», assure-t-il.
«Manque d’adhésion des populations»
Au-delà du feu vert du gouvernement, la compagnie minière a besoin de l’adhésion des populations qui, depuis longtemps, s’opposent au démarrage de l’exploitation. Les habitants disent niet au projet pour des menaces qui pèsent sur l’environnement.
Mais, d’après le géologue, l’exploitation ne constitue aucune menace pour l’écosystème. Car, soutient-il, «le gisement de Niafrang est circonscrit dans la dune de Niafrang, qui n’est pas une dune habitée. Niafrang est de l’autre côté, où il y a les rizières qui séparent le village de Niafrang et le gisement.
Nous demandons à l’Admi-nistration territoriale de prendre ses responsabilités, de convoquer les personnes qui sont concernées dont les chefs de village, le maire, les Ong, les représentants des jeunes, des femmes, autour d’une table de concertation pour que les gens se regardent et se disent la vérité. Tant que les gens font des délégations pour aller voir le ministre des Mines, chacun va raconter l’histoire selon son intérêt. Donc, il est urgent de mettre en place un cadre de concertation pour régler définitivement ce problème».
Joint par téléphone, la Directrice générale des mines, Roseline Mbaye Carlos, confirme que le ministère a enclenché un processus de retrait du permis d’exploitation à la compagnie Astron.
«C’est conformément aux dispositions du Code minier. On a essayé tout ce qu’il fallait pour que le projet puisse voir le jour, les concertations ont été initiées par les autorités de la région de Ziguinchor. Malheureusement, il y a eu un manque d’adhésion de la part des populations. Donc, l’Etat du Sénégal ne peut pas aller à l’encontre de la volonté de la population», affirme la Direc-trice générale des mines.