La 9ème édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, ouverte hier au Cicad, se penche sur l’Afrique des potentiels et des solutions face aux défis sécuritaires et à l’instabilité institutionnelle. Le Président Macky Sall a, dans son allocution d’ouverture, pointé les facteurs exogènes qui obstruent la voie du développement pour l’Afrique et plaidé pour leur rectification. Il a, en outre, indexé les tares à l’interne, notamment les conflits armés qui font fortement régresser le continent. Il a ainsi fait une esquisse de l’Afrique des solutions ; celle qui unit ses énergies au profit du développement et de l’intégration.
Par Alioune Badara NDIAYE – Les défis sécuritaires et l’instabilité institutionnelle auxquels fait face l’Afrique résultent de défaillances en interne, mais aussi de facteurs exogènes plombant le développement du continent. Et sans développement réel, quasi impossible de marcher sur le chemin de la paix et de la sécurité. Telle est la conviction du Président Macky Sall, qui est d’ailleurs longuement revenu lundi sur ces goulots qui font de l’Afrique un continent gangréné par l’insécurité et les changements anticonstitutionnels. Ils ont pour noms : pratiques fiscales anormales, sous-représentativité dans le système international, iniquité des règles de l’Ocde. «Il faut veiller à ce que l’Afrique ne fasse pas les frais du progrès humain», a-t-il exhorté, reprenant le propos de Cheikh Anta Diop. Le chef de l’Etat s’est ainsi exprimé à l’ouverture de la 9ème édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. «Le thème de cette 9e édition, L’Afrique des potentiels et des solutions face aux défis sécuritaires et à l’instabilité institutionnelle, met en lumière les contrastes de notre continent : une Afrique grande et riche, qui aspire à l’émergence, mais toujours en retard sur le processus de développement ; une Afrique qui progresse sur la voie de la démocratie, mais encore secouée par l’instabilité institutionnelle ; une Afrique engagée à faire taire les armes, mais toujours sous le feu ravageur des conflits et du terrorisme», a dressé le président de la République. «Assurément, l’Afrique est riche par son immense potentiel. Mais les règles et pratiques de l’échange inégal contribuent à l’appauvrir. C’est pourquoi nous réclamons une gouvernance politique, économique et financière mondiale plus juste et plus équitable (…) Une gouvernance mondiale plus juste et plus équitable contribuerait à faire émerger l’Afrique des solutions, c’est-à-dire une Afrique qui compte davantage sur ses propres ressources», a-t-il ainsi souligné dans son allocution. «Le thème de cette 9e édition met en lumière les contrastes de notre continent : une Afrique grande et riche, qui aspire à l’émergence, mais toujours en retard sur le processus de développement ; une Afrique qui progresse sur la voie de la démocratie, mais encore secouée par l’instabilité institutionnelle ; une Afrique engagée à faire taire les armes, mais toujours sous le feu ravageur des conflits et du terrorisme», a-t-il poursuivi.
Le Président Sall s’est toutefois félicité des bons points engrangés dans cette recherche de reconnaissance mondiale pour le continent. Il a cité à ce propos l’accord historique sur un impôt minimum mondial de 15% adopté en octobre 2021 afin de lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par les multinationales, l’adhésion de l’Afrique au G20 et la décision des instances du Fmi d’octroyer au continent un 3e siège au Conseil d’administration du Fonds.
Cette séquence fermée, le chef de l’Etat est revenu sur celle engageant directement la responsabilité du peuple africain dans la situation qui prévaut actuellement. «Le thème de cette 9e édition nous rappelle aussi notre part de responsabilité dans les défis sécuritaires et l’instabilité institutionnelle qui agitent le continent», a-t-il pointé. «En plus de leur coût humain et matériel, les conflits armés plombent nos efforts sur la voie du développement économique et social. Il est donc temps de faire taire les armes et privilégier le dialogue pour le règlement de nos différends. C’est aussi par le dialogue que l’on surmonte les clivages partisans pour bâtir des coalitions nécessaires à la stabilité des institutions nationales», a suggéré Sall. «La démocratie, la stabilité institutionnelle et le développement économique et social ne peuvent s’accommoder de facteurs déstabilisants que sont le populisme, le radicalisme et les extrémismes de tous bords», a-t-il noté, donnant une idée de cette Afrique des solutions qu’il espère voir. Laquelle idée est d’ailleurs parfaitement illustrée par le champ pétrolier Grande tortue Ahmeyim, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie ou encore le pont de Rosso. «Finalement, l’Afrique des potentialités et des solutions, c’est aussi l’Afrique qui met en commun ses forces, ses intelligences et ses ressources pour son développement et son intégration», a-t-il dit après avoir évoqué ces projets inter-Etats dont la plupart avec la Mauritanie comme partie prenante.
Le plaidoyer du Président mauritanien
Présent à la cérémonie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a salué la justesse du Forum international de Dakar qui ne cesse, selon lui, de renvoyer au fil des éditions l’image d’une Afrique résolument décidée à se prendre en charge à propos de ses défis et aux dynamiques socioculturelles et économiques qui les sous-tendent. «Une Afrique qui n’attend plus les solutions conçues ailleurs, mais qui œuvre à construire les siennes à travers les échanges, le dialogue et l’innovation», a indiqué le Président mauritanien. Lequel est d’ailleurs revenu, à son tour, sur le contraste saisissant fait d’un décalage entre l’extraordinaire potentiel africain et sa réalité objective de pauvreté, sous-développement, d’insécurité et instabilité sociale et constitutionnelle. «Surmonter ces contrastes et transformer les ressources potentielles en outils de solutions concrètes et efficaces afin de triompher des crises aiguës et multiformes que traverse notre continent constituent la clé de voûte du développement de l’Afrique», a-t-il insisté. «Il est indubitablement établi que toute lutte contre l’insécurité prétendant à l’efficacité durable doit appréhender les questions sécuritaires dans leur solidarité quasi organique avec les dimensions économiques, socio-politiques qui structurent leur environnement durable», a poursuivi le Président El Ghazouani qui n’a pas manqué de regretter la mauvaise phase que traverse le G5 Sahel avec le retrait du Mali et la recrudescence de rupture de la légitimité constitutionnelle dans son espace. «Le G5 s’en remettra, j’en suis sûr, et le combat contre le terrorisme, l’extrémisme violent et l’insécurité se poursuivra sans relâche. Il y va de l’intérêt de la sous-région et du continent dans son ensemble», a-t-il estimé, d’avis que nul ne peut se sentir durablement en sécurité sans pour autant que ses voisins ne le soient.
Environ 400 personnes dont des décideurs civils et militaires, des experts et des chercheurs venant de tous les continents participent à l’événement, selon les organisateurs. 6 ateliers sur des thèmes tels l’opérationnalité de la Force africaine en attente, la cybersécurité et enjeux du numérique en Afrique sont au menu, ainsi que deux séances plénières et des activités parallèles. Des recommandations fortes sont attendues, ce mardi, à la cérémonie de clôture du forum dont la première édition s’est tenue en 2014.