SOCIETE

Journée d’intégration : Praia célèbre les migrants

Demain, Praia connaîtra un mouvement particulier, accueillant une série d’activités sportives, culturelles et récréatives réalisées par les communautés africaines résidentes dont font partie des milliers de Sénégalais. Les immigrés ne font qu’ajouter aux acquis de la date dans leur vie, notamment en termes d’accès à la santé, à l’éducation, à la formation et à lemploi, contribuant non seulement à leur bien-être familial, professionnel et social, mais permettant également leur inclusion et leur intégration. C’est pourquoi ces migrants, constitués de Sénégalais, de Nigérians, de Bissau-Guinéens, vont célébrer la journée instituée pour eux, en reconnaissance de leur présence et de leur rôle important dans le développement de la capitale et du pays.

Par Arlinda NEVES (correspondante particulière) – Paria, c’est une terre d’intégration. Le 18 décembre a été institué par la mairie de Praia en 2012 comme Journée municipale du migrant. Une initiative qui a également été créée dans d’autres communes au cours des années suivantes. Aujourd’hui, cette date est symbolique pour les communautés africaines, car elle a ouvert les portes à une véritable inclusion et une intégration pour plus de 10 mille 878 migrants, dans le pays mais aussi au sein de la Cedeao.

Adji Sall

En parlant avec Le Quo­tidien, les Sénégalais, Bissau-Gguinéens et Nigérians, issus des grandes communautés de migrants de Praia, se disent «très heureux» aujourd’hui car, selon eux, cette date a non seulement permis à tous les pays d’Afrique de mieux s’unir, mais aussi de parler d’une seule voix auprès des autorités capverdiennes. Les mairies et le gouvernement, disent-ils, ont commencé à adapter les lois à leurs besoins et ont également instauré de nombreuses mesures, axées sur leur régularisation, pour leur permettre d’accéder aux politiques publiques nationales, notamment en matière de santé, d’éducation, de formation, d’emploi et d’une vie sociale plus facilitée.

Adji Sall, commerçante sénégalaise installée à Praia depuis vingt ans, très dynamique et appréciée des communautés en raison des formations qu’elle dispense en faveur des femmes dans les domaines de la fabrication et de la conservation de jus, de l’alimentation et de la transformation des produits agricoles, n’a pas mâché ses mots en ce qui concerne la création de cette date.
«C’est une journée très spéciale pour nous. En tant que présidente de l’Association des femmes sénégalaises à Praia, je peux dire aujourd’hui que nous sentons que cette date a changé beaucoup de choses dans notre vie, et nous sentons aujourd’hui du fond du cœur que nous sommes bien intégrées. C’est un moment de fête parce que c’est notre moment de rencontre, où les femmes sénégalaises se regroupent, s’organisent et participent à la fête, ainsi qu’à la préparation des plats et jus qui sont servis pendant les activités», déclare-t-elle.

Selon Adji Sall, la journée n’est pas seulement festive. Cette date, d’après elle, est également importante car elle vise à faire le bilan et à célébrer les acquis dans divers domaines, notamment en termes de promotion et d’intégration des femmes sénégalaises et autres dans la société capverdienne. «Jusqu’à ce jour, les femmes ont bénéficié de divers projets municipaux et gouvernementaux qui les ont grandement aidées dans leur développement personnel et professionnel, par exemple, dans les domaines de l’éducation, de la formation et de la santé où les femmes sont prises en charge. Je vois qu’elles veulent investir dans la formation, avoir leur propre entreprise, investir dans l’éducation de leurs enfants, et comme ça, être sur un pied d’égalité avec les femmes capverdiennes. C’est très bien», dit-elle.

Cette micro-entrepreneuse de double nationalité, sénégalaise et capverdienne, est désormais agréée par les autorités nationales, notamment la haute autorité de l’immigration, l’Aai, puisqu’elle peut donner des formations à Praia et dans d’autres îles, et souvent dans son pays d’origine, le Sénégal. «J’ai déjà été invitée par le ministère de l’Agri­culture du Cap-Vert pour donner des formations sur la fabrication de jus et de confiture à partir de produits sénégalais comme le bissap, ainsi que d’autres plats typiquement sénégalais, comme le Thiebou Jen ou le Thiebou Yap (viande) et le Maffé, sur l’île de Maio. J’ai également donné des cours de formation dans ces domaines dans mon pays d’origine. A la fin du cours, nous leur remettons un certificat», dit-elle. Elle ajoute : «Mes collègues et moi-même avons été invitées à participer à d’importantes célébrations religieuses et à des événements de la Cedeao, en préparant les plats qui y sont servis. Cela nous fait énormément plaisir, car ils reconnaissent notre travail.» Cette Senegalo-Capverdienne est un exemple de réussite qui a déjà formé plus d’une centaine de femmes à Praia et dans ses environs.

Djunkú Sani est un autre immigré, originaire de Guinée-Bissau, qui vit à Praia depuis 29 ans. Il est coordinateur culturel de la Plateforme des communautés africaines immigrées (Pca) et formateur reconnu et certifié par les autorités nationales en matière de couture. Depuis quelques années, il apporte sa contribution personnelle à l’intégration de ses compatriotes immigrés, notamment lors des festivités organisées à l’occasion de la Journée municipale du migrant. «Cette journée est l’occasion de faire connaître nos cultures sous toutes leurs formes. L’une de ces manifestations est la danse, avec des costumes traditionnels de chaque pays d’immigration. Notre groupe s’appelle África Sabar, un groupe de danse et de musique qui réunit des immigrés de différents pays de résidence afin de représenter nos cultures», raconte Djunkú Sani. «En fait, nous avons constaté que ces activités nous ont donné une grande visibilité dans la société capverdienne qui nous a accueillis de manière très positive. Nous voyons qu’il y a de plus en plus de Capverdiens qui portent nos vêtements, c’est-à-dire des vêtements africains, de plus en plus à écouter notre musique, à chercher notre nourriture, à vivre ensemble et à participer à notre intégration», raconte Djunkú Sani, un guitariste averti qui ne tarit pas d’éloges sur les progrès réalisés grâce à l’instauration de cette date.

Augustine Lodo est un autre immigré, du Nigeria, qui vit à Praia depuis de nombreuses années. Grâce à sa grande connaissance du sport, il coordonne la commission sportive pour les communautés immigrées lors des célébrations. Pour lui, il ne fait aucun doute que cette journée a rapproché les communautés de la société capverdienne grâce au fair-play. «Cette année, nous allons poursuivre les activités sportives afin de promouvoir la socialisation et l’unité entre les immigrés. Nous allons organiser des tournois de futsal avec des équipes de différents pays, non seulement pour les adultes mais aussi pour les enfants. A cet effet, nous avons déjà invité certaines écoles de Praia à participer aux matchs», explique-t-il, appelant les gens à suivre les matchs sur le terrain de l’Achadinha Baixo à partir de samedi (du 11 jusqu’au 16 novembre, avec les équipes du Groupe A : Sénégal, Guinée-Bissau, Nigeria et Gambie, et du Groupe B : Burkina Faso, Guinée Conakry, Togo et Côte d’Ivoire).

En tout, les immigrés reconnaissent que cette journée est une façon de valoriser et rendre hommage aux hommes et femmes africains dont la présence, selon eux, a été avant peu remarquée et ressentie au sein de la société capverdienne. Cependant, ils estiment qu’il y a encore des défis à relever. C’est pourquoi ils demandent à ce que les projets de formation soient renforcés et poursuivis afin de stimuler la création de plus d’emplois, en particulier pour les femmes, qui ont aujourd’hui plusieurs associations exclusivement dirigées par elles-mêmes, notamment du Sénégal, de la Gambie, de l’Angola et du Burkina Faso.

Ces préoccupations ont été soulevées à l’issue d’une réunion tenue dimanche dernier par les dirigeants de la Plate­forme des communautés africaines dans le but de préparer le programme de la Journée municipale du migrant, qui est également célébrée à travers de nombreuses activités sportives et culturelles, y compris des foires thématiques, dans diverses municipalités du pays. A Praia, le point culminant du programme sera le gala annuel, qui aura lieu le 18 décembre à Angar7.

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