SOCIETE

« Le mouvement international du travail ignore les frontières ». Par Kadialy Gassama

Le mouvement international du travail suit la mobilité du capital qui migre à travers le monde suivant la logique du profit. A la base de la création des richesses, le réflexe pour une allocation optimale des ressources et une meilleure rémunération du travail ignore les frontières et explique le mouvement international des facteurs, quelles que soient par ailleurs les barrières à l’entrée.

L’offre et la demande de travail se déplacent et se déploient à travers le globe selon les opportunités ou avantages comparatifs. Pourquoi s’étonner alors aujourd’hui du transfert des travailleurs des pays les moins avancés vers les pays développés, d’autant que l’accumulation primitive du capital dans les pays du centre comme disait Samir Amine, s’est produite sur la base de l’existence pendant des siècles de sociétés esclavagistes, de l’exploitation et de l’assujettissement des colonies et du commerce inégal qui continue de nos jours entre nos Etats ?

Vieillissement des populations des pays développés
Si l’on prend la structure économique mondiale actuelle, il se trouve que les pays développés connaissent naturellement un vieillissement de leurs populations au point que l’arrivée de jeunes dans les marchés internes du travail est presque inexistante. Le cas du Japon qui a une population improductive vieillissante en majorité, est typique de ce phénomène, démontrant la nécessité pour ce pays d’importer massivement des travailleurs dans tous les secteurs, au risque de voir l’économie nipponne en crise du fait de la désarticulation entre l’offre de travail et de la demande de travail. C’est le cas aussi de l’Angleterre et des pays de l’union européenne qui organisent des arrivées massives d’immigrés pour faire fonctionner leurs économies.

Le différentiel entre l’offre de travail et la demande de travail dans les pays développés se creuse d’avantage et constitue un véritable problème de société dans lesdits pays. De même, il se trouve que les pays moins avancés connaissent naturellement un croit démographique extraordinaire qui fait que
l’arrivée en même temps de nombreux jeunes dans les marchés internes du travail dépasse les capacités d’absorption de leurs économies et pose de nombreux problèmes sociétaux, en dépit des bons taux d’accroissement des richesses. Le mouvement international des biens, des personnes et des capitaux repose sur les avantages comparatifs ou compétitifs entre les pays de ce monde, quel qu’en soit par ailleurs les législations des pays pour anéantir ou réduire les mouvements.

Nous avons vu les difficultés d’application des législations protectionnistes sur l’immigration dans l’union européenne dont les dispositions sont en porte en faux avec les réalités économiques multilatérales. Si aujourd’hui, il y a de nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires sur les mouvements du capital, des personnes et des biens dans une économie mondialisée, elles ne peuvent pas empêcher la liberté naturelle de circulation des flux qui obéissent à la logique pure du commerce international basée sur la meilleure rémunération des facteurs.

Si bien qu’à travail égal dans l’agriculture au Sénégal comparativement à l’Espagne, le différentiel de traitement peut être multiplié par vingt entre les deux pays s (3 dollars /jour et 60 dollars / jour pour le salaire minimum). ; Cette différence énorme dans les rémunérations du travail conjuguée avec l’offre importante de travail, explique les mouvements de personnes entre les pays du Sud et les pays du Nord, nonobstant la différence entre les couts de la vie. Aucun pays ou groupes de pays, si puissants soient-ils, ne pourront arrêter ce réflexe naturel de l’homo economicus à la recherche toujours du plus offrant pour maximiser son utilité.

De nos jours, l’émigration dite clandestine prend évidemment de plus en plus de l’’ampleur au vu de l’accroissement des besoins avec la croissance démographique exponentielle dans les pays du Sud et le vieillissement sans renouvellement de générations des populations dans les pays du Nord. Cette forte tension entre l’offre et la demande internationale de travail qui justifie l’intensité des flux actuels, provoque des dommages collatéraux ou tragédies sur les frontières maritimes et terrestres à cause des barrières
législatives négatives en contradiction avec les dynamiques économiques. Aussi, est-il urgent d’aller, pour résoudre cet imbroglio qui relève plus de xénophobies issues de politiques nationales populistes des partis d’extrême droite qu’autre autre chose, d’aller vers l’assouplissement des barrières juridiques négatives, afin de permettre aux flux économiques réels et mouvement de personnes de s’effectuer sans entraves, suivant
la division internationale actuelle du travail, la seule variable qui vaille.

L’OMC qui veille à la libre circulation des échanges mondiaux y compris le principe de la libre circulation
des personnes, ainsi que l’OIT qui veille à la protection des travailleurs, doivent prendre à bras le corps cette problématique dite de l’émigration clandestine afin de l’adapter aux réalités économiques actuelles pour mieux l’organiser et de lutter contre les barrières administratives , législatives ou tarifaires qui sont les obstacles et la seule cause des tragédies collatérales

L’émigration clandestine vers les pays du Nord, avec ses lots de tragédie humaine n’est que la face cachée émotionnelle d’une réalité tangible de mobilité des facteurs suivant les opportunités dans une économie mondialisée. Cette mobilité qui peut prendre diverses formes est la sève nourricière de l’existence humaine
et aura cours forcé quels que soient les législations et contrôles aux frontières. .

Comme le poisson dans l’eau qui ignore les frontières maritimes, les travailleurs du monde ignoreront toujours les frontières et navigueront dans les mers, les airs ou prendront les routes terrestres pour l’eldorado quel que soit l’endroit sur la planète, comme ce fut le cas historiquement pour les populations européennes qui ont massivement immigré en Amérique, en Afrique du Sud, en Australie ou partout ailleurs dans le monde.

Kadialy GASSAMA, économiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque

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