A LA UNEPOLITIQUE

VIDEO Interview exclusive avec Habib Fall, ancien DAF : « manifestement, on essaie d’éliminer une personne qui a de réelles chances de gagner l’élection »

Le fichier électoral est l’un des principaux points de crispation du landerneau politique Sénégalais. Cela a été accentué et aggravé par la polémique sur la radiation et la réinscription de Ousmane Sonko sur les listes électorales à la suite de la décision du Tribunal d’instance de Ziguinchor. Au moment, l’opposition s’organise dans le cadre du Front pour l’Inclusivité et la Transparence des élections (FITE), PressAfrik décroche une interview exclusive de l’ancien Directeur de l’Automatisation du Fichier (DAF) d’avril 1999 à avril 2011. Habib Fall n’a pas mis de gants face à ce qu’il appelle «l’opacité du processus électoral, du logiciel de traitement des parrainages». Le haut fonctionnaire estime que «manifestement, on essaie d’éliminer une personne qui a de réelles chances de gagner l’élection».

A moins de quatre (4) mois de la présidentielle de février 2024, le fichier électoral n’est toujours pas disponible. L’opposition ne cesse de le réclamer. Ce qui, pourtant n’a jamais été le cas il y a plus d’une dizaine d’années. Habib Fall, informaticien de son Etat et ancien Directeur de l’Automatisation du Fichier (DAF) de 1999 à 2011 qui a accordé une interview exclusive à PressAfrik témoigne qu’en «2000 avec le général Lamine Cissé jusqu’au moment où je quittais, le fichier était, non seulement, disponible sur Internet mais aussi l’électeur avait la possibilité de vérifier son inscription. De même que les partis politiques qui avaient les statistiques et toute la carte électorale en permanence parce que c’est une disposition du Code électoral qui permet cela».

Habib Fall convoque le passé pour rappeler la tradition démocratique du Sénégal basée sur le dialogue et la concertation entre partis politiques légalement constitués et gouvernement. «A la suite de la marche de l’opposition (FRTE – Front pour la Régularité et la Transparence des Elections-), un audit du fichier électoral avait été initié en temps record pour permettre à l’opposition de vérifier la fiabilité du fichier. Mamadou Diop Decroix de AJ/PADS et Oumar Sarr du PDS étaient à la tête de la mission d’audit qui s’est effectuée pendant trois semaines. Ce qui a permis de détecter et d’éliminer 2000 électeurs double. L’ONEL de l’époque avait autorisé la radiation de ces électeurs».

Le tout nouveau DAF de l’époque de rappeler qu’après cette opération, c’est l’opposition elle-même qui avait déclaré en conférence de presse que «le fichier électoral était assez fiable pour permettre d’aller à une élection», dixit Mamadou Diop Decroix devant la presse nationale et internationale.

« Ma règle était que l’autorité politique ne m’oriente pas dans mon travail » 

Habib Fall a fait à la tête de la DAF 12 ans. Une longévité qu’il explique par des conditions qu’ils avaient posées à l’Etat. « Je ne veux que l’autorité politique m’oriente dans le travail. Parce que moi j’étais là pour des raisons purement techniques. Parce que la base de travail, c’est le Code électoral. Et c’était ma règle pour tous les ministres. Je rappelle à mon entrée à la DAF, j’avais soutenu que les informations issues du fichier électoral sont publiques ».

Les conditions de radiation d’un électeur sur les listes électorales

S’appuyant sur l’exemple du leader du Pastef, il a été interpellé sur les conditions de radiation d’un électeur des listes électorales. «Là normalement si le ministère de la Justice dispose de la condamnation définitive, il envoie à la Daf un courrier qui fait référence à un jugement bien précis.  À partir de ce moment, la DAF exécute et une liste de la radiation est adressée au ministère de la Justice et aux autorités administratives», explique-t-il. Pour le cas de Sonko, ajoute Habib Fall, «il n’y a pas de jugement définitif. Donc, on ne peut le radier sur la base des poursuites. Il n’y a pas besoin d’être spécialiste pour le savoir et le dire ». Et de poursuivre : «le jeu de ping-pong entre l’administration, la justice et les avocats de l’opposant ne devrait pas exister. Il y a la hiérarchie et la loi. Et la seconde est permanente alors la première est fugitive. Alors l’officier qui est entre les deux doit choisir, voilà le dilemme.

Refus de remettre les fiches de parrainage à Sonko :  » Thiendella Fall a choisi de suivre les ordres », regrette Habib Fall

« Thiendella Fall, le Directeur Général des Elections (DGE), que je connais bien est un homme compétent. Mais qu’est qui l’a poussé à choisir la hiérarchie? Je le comprends, c’est un homme en service commandé qui a choisi de suivre l’ordre et c’est pas la bonne solution », souligne Habib Fall. Il en déduit que « la loi est permanente alors que les hommes passent. Tant pis, si on m’enlève de mon poste ». Par rapport aux attaques que subissent actuellement son ancien agent, il précise que «quelqu’un qui est sous les ordres, l’attaquer c’est perdre du temps ».

« Il y a une certaine opacité dans le processus électoral »

Habib Fall ne se retrouve apparemment plus dans le dispositif électoral actuel. « Il y a des problèmes avec la démocratie au Sénégal. Le processus électoral y a une certaine opacité, le parrainage en tant que tel, c’est une bonne chose mais il faut que ça soit fait dans les règles de l’art. On devrait autoriser une personne à parrainer deux à trois candidats. Mettre une application à la disposition du public pour savoir comment fonctionne le parrainage », argue l’ancien DAF et informaticien.

Par ailleurs sur les événements qui ont émaillé de la démocratie sénégalaise en mars 2021 et juin 2023, il estime que « cela ne devrait pas arriver parce que ce sont des événements provoqués parce qu’il y a un homme qui vise le pouvoir et qui a peut-être une chance de gagner les élections ». Il est d’avis que « manifestement, on essaie d’éliminer cette personne. Et ce n’est pas normal. C’est là où vient le problème ». Selon lui, « ce sont des affaires considérées comme civiles qui ont conduit à cette situation parce que l’Etat n’aurait pas dû s’y mêler. C’est à la fois dommage et regrettable pour la démocratie. Le Sénégal ne mérite pas d’en arriver là. Il a toujours été une référence démocratique en Afrique. J’ai été très fier dans mes déplacements. J’ai été un peu partout en Afrique et le modèle Sénégalais était chanté, salué. Cette image s’est beaucoup effritée ».

Articles du même type

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Close