Havre de paix dans une sous-région en proie à la violence, le Sénégal a frôlé le pire à cause du discours politique. Qui menace la paix et la stabilité du pays connu pour être une exception en Afrique. Au regard des guéguerres politiques, il est nécessaire de se demander combien de temps va durer cette situation.
Le Sénégal, deux morts. Deux avenirs calcinés. Deux enfants dont le Sénégal ne tirera aucun bénéfice. Des familles dans le désarroi. C’est le bilan macabre de l’attentat de Yarakh survenu le 1er août 2023. Si pour l’heure, l’enquête n’a pas encore situé les responsabilités directes de cet acte odieux, la classe politique dans sa globalité est au banc des accusés. En effet, des discours irresponsables d’une opposition radicale, à la perception d’une justice «clivante», sans oublier une majorité encline à réduire l’opposition à sa plus simple expression ont été le terreau fertile de l’exercice d’une violence inouïe rarement vue au Sénégal. Les deux décès enregistrés dans l’attentat de Yarakh ont contribué à alourdir le bilan dont les morts se comptent par dizaines. Bien que le Sénégal ait toujours connu un duel entre pouvoir et opposition, notamment avec Senghor et Oumar Blondin Diop, Diouf et Wade, mais aussi entre Macky Sall et Ousmane Sonko, un palier a été franchi.
Karim Wade écarté par la défunte Crei, une juridiction d’exception avec le renversement de la charge de la preuve, Khalifa Sall dont le Règlement 5 de l’Uemoa transposé dans le Code de procédure pénale lui garantissait la présence d’un conseiller lors de l’enquête préliminaire sous peine de nullité et que la Justice n’a pas respecté, sont deux situations qui ont favorisé l’éclosion d’une nouvelle opposition jugée radicale. Ousmane Sonko fait une entrée remarquée dans le landerneau politique. La nature ayant horreur du vide, il installe rapidement un duel avec Macky Sall. Son discours se veut décalé par rapport à celui classique de la classe politique. Il fait de l’économie et de la fiscalité son argument politique. Ses attaques sont dirigées vers le Président Macky Sall qu’il peint comme un élément qui travaille pour l’étranger au détriment des Sénégalais.
Ce discours a un écho chez les jeunes. Il va finir par contraindre le Premier ministre d’alors, Mahammed Boun Abdallah Dionne, et son ministre des Finances de l’époque, Amadou Ba, à s’expliquer face caméras sur les contrats d’hydrocarbures. Cette «victoire politique», qui installe le débat politique sur la gestion des ressources naturelles, n’est pas sans frais. A l’Assemblée nationale, Ousmane Sonko et Mberry Sylla en viennent aux mains. C’est le début des hostilités. Sonko, qui ne rate pas les membres du gouvernement, s’est investi d’une mission. De déballage en déballage, il s’insurge contre les attaques verbales de la mouvance présidentielle, qui assimile les sorties à du «Patriote» en chef à de la calomnie.
L’affaire Adji Sarr fait entrer ce duel dans une nouvelle phase. Sonko défie publiquement la Justice et contraint l’Etat à faire respecter l’ordre. Son arrestation en mars 2021 enregistre plusieurs décès.
Placé sous contrôle judiciaire, Sonko rend plus virulent son discours. A plusieurs reprises, il appelle à entraver la bonne marche du pays et menace le Président Macky Sall, en évoquant le sort de l’ancien Président du Liberia, Samuel Doe. Le reste se passe de commentaires. Pillages et usage d’armes à feu se substituent au débat d’idées. Le Sénégal est au bord de l’abîme.
A moins de 3 mois de la Présidentielle, la menace est toujours présente. Elle grandit, de jour en jour. Sonko, qui n’est plus sur les listes électorales, veut se présenter. En prison pour appel à l’insurrection, son parti dissous, le «Patriote» en chef n’a pas dit son dernier mot.