Je souhaite partager avec vous une analyse approfondie de la situation épineuse qui entoure la récente révision tarifaire de l’électricité au Sénégal. Ce qui aurait dû être une bouffée d’air frais pour les consommateurs sénégalais se transforme en un puzzle complexe, mettant en lumière des failles aussi bien du côté de Senelec que de la CRSE.
Senelec, en tant qu’entité chargée de fournir de l’électricité, devrait être le bras exécutif des décisions de la CRSE. Cependant, la réticence apparente de Senelec à appliquer intégralement la suppression de la tranche T3 et de la TVA laisse perplexe. Est-ce un manque de volonté ou une difficulté technique sous-jacente ? Les consommateurs méritent des réponses.
En effet, la configuration du logiciel de gestion des compteurs prépayés peut constituer un obstacle à l’application immédiate de la décision de suppression de la TVA pour plusieurs raisons techniques.
– Intégration Système : si le logiciel en question n’est pas facilement adaptable aux changements, il peut nécessiter des ajustements substantiels pour incorporer les nouvelles directives tarifaires. Cela peut impliquer des modifications complexes du code source, des tests approfondis et des validations pour éviter des erreurs dans la gestion des transactions prépayées.
– Capacités de traitement : l’application soudaine d’une nouvelle structure tarifaire, surtout si elle implique des modifications importantes, pourrait dépasser la capacité de traitement actuelle du logiciel. Cela nécessiterait éventuellement des améliorations matérielles ou logicielles. Il ne faut pas aussi oublier les plateformes d’achat via les Mobile Money.
– Formation du Personnel : un changement dans la structure tarifaire implique généralement une mise à jour des procédures opérationnelles. Si le personnel chargé de la gestion du logiciel n’est pas formé adéquatement, cela peut entraîner des erreurs dans la mise en œuvre, compromettant ainsi la fiabilité du système.
En résumé, la complexité de la gestion des compteurs prépayés et la nécessité de garantir la continuité des services peuvent rendre la mise en œuvre immédiate de nouvelles décisions tarifaires difficile. Des ajustements techniques, des tests approfondis et une planification minutieuse sont souvent nécessaires pour éviter tout impact négatif sur les opérations. Tout changement dans le logiciel doit être soumis à des tests rigoureux pour s’assurer de son bon fonctionnement. Ceci inclut des tests de charge, des tests de régression et des simulations pour garantir que le logiciel fonctionne correctement sans perturber les services existants.
D’un autre côté, la CRSE, en tant que régulateur, a la responsabilité cruciale d’analyser les données fournies par Senelec de manière adéquate. La décision de supprimer la tranche T3 et la TVA semble être basée sur des informations qui ne se traduisent pas dans les résultats réels. Avons-nous affaire à une incompréhension des données ou à une évaluation inadéquate ?
Ajoutons une couche à cette énigme avec des chiffres concrets. Avant la révision, 40 000 FCFA permettaient d’obtenir 313,7 kWh. Après la révision, ce montant ne procure que 319,6 kWh, soit un gain marginal de 5,9 kWh. Cependant, une TVA de 1829 FCFA persiste. Les consommateurs sont-ils vraiment bénéficiaires de cette révision tarifaire, ou est-ce une illusion ?
Ce qui soulève le vrai problème est la non-application de la suppression de la TVA. La CRSE avait évalué cette mesure comme faisant partie intégrante de la décision de suppression de la tranche 3. Pour rappel, selon les données de Senelec exploitées par la CRSE, près de 200 000 clients, dont environ 10 500 clients professionnels, sont concernés. Les ventes de Senelec connaîtront une baisse de 254 128 778 FCFA TTC pour décembre 2023, dont 38 765 407 FCFA relatifs à la TVA sur les consommations de la tranche 3. Pour l’année 2024, la baisse attendue sur les ventes sera de 3 milliards 640 millions de FCFA TTC, dont 555 millions de FCFA relatifs à la TVA facturée.
Pourquoi cette promesse n’a-t-elle pas été tenue ? Est-ce simplement une question technique, de volonté politique (je m’en doute parce que la volonté politique de la suppression avait bien été exprimée par le ministre en charge du secteur) ?
Le consommateur se retrouve au cœur de cette complexité, où les mouvements de Senelec et de la CRSE façonnent son expérience quotidienne. Plutôt que de se livrer à un jeu de responsabilité, il est temps que ces deux acteurs assument pleinement leur part de responsabilité et travaillent ensemble pour trouver des solutions concrètes.
L’électricité est un service essentiel et la tarification devrait être transparente, logique et équitable. La décision de la CRSE doit être appliquée pleinement, et les consommateurs méritent plus que des annonces politiques. Exigeons des réponses, de la transparence, et assurons-nous que les ajustements tarifaires se traduisent par de réels avantages pour la population.
Par Maguette Sarr
PhD Project & Maintenance Manager
PhD Electrical Engeneer/Finance