SOCIETE
Casamance – Reportage à la Zone des palmiers : Après la paix, l’espoir du développement
Pacification du cadre de vie, désenclavement, réconciliation des cœurs et des esprits, mais aussi mise en place des infrastructures de promotion sociale. Telles sont les doléances de la Zone de Diakaye, communément appelée Zone des palmiers, à l’occasion du Forum sur la paix et le développement d’Essom Silathiaye. Ici, les populations attendent les retombées de l’acte noble et historique qu’est le dépôt des armes, pour qu’enfin dans leur ciel, rayonne un soleil nouveau. La condition féminine est à améliorer, alors que l’état civil reste un besoin ardent.
Par Khady SONKO – Composée de 12 villages, la Zone des palmiers est une sous-composante de la commune de Djinaky, située en arrière-plan des villages riverains de la Route nationale numéro 5 (Rn5). Cependant, cette zone reste caractérisée par l’enclavement, l’insécurité et la stigmatisation. C’est dans ce contexte que la Dynamique de paix en Casamance a organisé à Essom Silathiaye, un Forum sur la paix et le développement, présidé par le Préfet de Bignona. L’autorité, accompagnée du sous-préfet de Kataba 1, s’est rendu compte, à ses dépens, de l’état défectueux de la route qui mène à la Zone des palmiers. «Les pistes sont particulièrement difficiles, mais n’entament en rien ma détermination», a reconnu Maguette Diouck, Préfet du département de Bignona, qui est allé au fin fond de son territoire départemental, endurant les pistes poussiéreuses jusqu’à Essom Silathiaye. «L’ouverture des pistes de production, l’érection d’antennes téléphoniques et la mise en place des dispositions sécuritaires demeurent comme impératifs pour dissiper les ombres opaques qui ne cessent d’imprimer et de ternir l’image et la crédibilité de la Zone des palmiers dont les populations aspirent à un mieux-être», a plaidé Youba Coly, président des jeunes de la Zone des palmiers.
Dans cette localité, le réseau téléphonique gambien infiltre celui du Sénégal dans les cellulaires. Parfois, il n’y a tout simplement pas de réseau téléphonique. La zone revendique une couverture sanitaire par la mise en place d’infrastructures et une logistique suffisante et de qualité. En éducation, les populations souhaitent disposer d’infrastructures bien équipées pour une éducation de base de qualité pour ses enfants. En matière d’électrification rurale, cette population mouvant encore dans les ténèbres pense qu’il est temps de voir leurs villages bénéficier de cet intrant de qualité des sociétés modernes avec ses divers atouts.
Vivant principalement d’agriculture, les populations aspirent aux matériels modernes afin d’amoindrir les peines agricoles et valoriser de façon optimale, leurs rizières sécurisées des prédateurs ovins ou bovins. «En plus, le facteur limitant la salinisation exige la construction de digues anti-sel», a dit Youba Coly qui a égrené tout ce chapelet de doléances.
En matière de commerce, suggère-t-il, «la construction de pistes de production et une agriculture productive resteront à coup sûr un trafic commercial dense et interne aux dépens d’un commerce extraverti et chasseront à jamais la monnaie Dalasis rivalisant avec le Cfa».
Dans le domaine de l’hydraulique, les populations réclament la mise en valeur des forages érigés dans la zone pour qu’enfin, elles accèdent à une eau potable. Aussi, afin de booster leurs activités économiques et financières, gage d’une émancipation de la femme, les habitants de la Zone des palmiers souhaitent disposer de structures de microfinance.
Besoin ardent d’actes d’état civil
L’état civil reste une problématique dans la Zone des palmiers. Pour aider les populations, la plateforme «Irapa Diakaye» avait fait une demande spéciale à l’Etat du Sénégal pour régler définitivement cette question de l’état civil dans cette zone de la Casamance. En écho, le président de la République a donné une mesure spéciale pour répondre à cette demande. Déjà dans la Zone des palmiers, 50 mille 685 demandeurs se sont manifestés pour devenir des citoyens sénégalais, selon Henri Ndecky de la Coordination sous-régionale des organisations de la Société civile pour la paix en Casamance (Cospac). Selon le maire de la commune de Djinaky, les modalités de mise en œuvre de cette mesure de délivrance des actes de naissance sont en cours. «J’en suis heureux, parce que depuis longtemps, nous ne cessons d’être interpellé en tant que maire sur le niveau d’avancement de ces opérations d’enrôlement dans l’état civil», témoigne Alphoussény Amarta Diémé, enthousiaste de voir finalement les enfants et les adultes de la zone devenir pleinement des citoyens sénégalais. «Parce que ces actes, leur finalité, c’est de donner la citoyenneté et la nationalité plus tard à ces Sénégalais, et c’est important», témoigne encore le maire.
Il a saisi l’occasion du forum pour demander à la population de s’acquitter des cotisations au minimum fiscales afin de renforcer les moyens d’intervention de la commune en libérant ces contributions. L’idée est de permettre à la commune d’avoir les moyens de sa politique sociale.
L’appel au respect des engagements
Dans le cadre du processus de paix en Casamance qui a abouti au dépôt des armes par la faction de Diakaye, le maire de la commune de Djinaky a demandé à ce que les parties prenantes respectent leurs différents engagements. «Que ce qui a été discuté et noté fasse l’objet d’une mise en œuvre la plus diligente possible», a sollicité Alphoussény Amarta Diémé. Il espère que les dispositions seront prises pour qu’il en soit ainsi. «Autrement, il serait vraiment regrettable que tous ces efforts, tous ces sacrifices consentis…», dit l’élu local.
Malgré le dépôt des armes, la zone de Diakaye reste sujette à une forte tension, des velléités et reste insécure. La Société civile, à travers la Cospac Gambie, Guinée, Sénégal, appelle les leaders que sont les chefs de guerre du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc), Salif Sadio, César Atoute Badiate, Henrik Sané, Adama Sané, à poursuivre les négociations avec l’Etat du Sénégal. «La paix, c’est nous, la cohésion sociale, c’est nous, et le développement, c’est bien nous. Seule la table nous permettra de poser chacun son point de vue», appelle Henri Ndecky, représentant de la Cospac.
Pénibilité de la condition féminine dans la zone
La condition féminine laisse encore à désirer dans la Zone des palmiers. Dans cette lointaine contrée de la commune de Djinaky, arrondissement de Kataba, les femmes souffrent de diverses difficultés. Celles en état de grossesse sont les plus pitoyables. «Nous n’avons pas accès à la santé. Il n’y pas de bons hôpitaux ici pour nous prendre en charge. Les plus fatiguées sont les femmes en état de grossesse. Elles vont jusqu’à Diouloulou pour faire l’échographie. Non seulement les va-et-vient sont pénibles car nous n’avons pas de bonnes routes ici, mais la zone est l’une des localités où le transport est le plus cher», confie Safiétou Diémé. La représentante des femmes de la zone, par ailleurs présidente du programme Karoghène de la commune de Djinaky, s’exprimait le week-end dernier à l’occasion du Forum Essom Silathiaye.
La zone, composée de 12 villages, n’a pas de sage-femme. «Ici, il n’y a que des matrones. Elles sont bonnes, mais elles ont des limites. Parfois, les complications dépassent leurs compétences et elles nous réfèrent à Diouloulou. Mais on éprouve énormément de difficultés lors des évacuations. Certaines femmes y perdent la vie. Parfois elles accouchent au cours des évacuations, si elles survivent, leurs bébés meurent», confesse Safiétou Diémé.
Les femmes de cette zone s’activent dans le maraîchage. C’est leur principale activité génératrice de revenus. Presque tous les villages ont un bloc maraîcher où les femmes, à travers leurs groupements, travaillent de manière collective ou individuelle. «Nous cultivons des légumes, mais notre problème fondamental c’est l’écoulement de la production. A cause de l’état défectueux de la route, avant qu’on arrive au marché de Bignona, les acheteurs sont déjà rentrés. Tellement on traîne sur la route. Cela nous cause du tort. Si on avait de bonnes routes, on aurait pu aller au marché à tout moment, mais surtout arriver au bon moment pour vendre. Il nous faut forcément passer la journée à Bignona, car on ne peut pas aller et revenir dans la matinée alors que ce n’est pas aussi loin que ça. Nous n’avons qu’un seul véhicule horaire. Si on le rate à l’aller comme au retour, c’est fini. Il n’y a qu’un seul voyage par jour, un aller et un retour», explique Mme Diémé.
Certains mini-forages sont en panne dans certains blocs maraîchers, entraînant des difficultés dans la production. Au-delà de la réparation des engins en panne, les femmes souhaitent avoir le système de goutte-à-goutte, l’irrigation. «C’est plus pratique et moins pénible», plaide notre interlocutrice. Son association ne bénéficie pas de financement, comme d’autres d’ailleurs. «Dans la Zone des palmiers, il y a peu de financements. Même les jeunes n’en ont pas. Pourtant, nous en voulons pour faire comme tout le monde», a dit la jeune dame.
Hormis le maraîchage, la mise en sac du charbon de bois, produit par les hommes, est l’autre activité génératrice de revenus de ces femmes.
Artisanes de la paix, elles continuent aujourd’hui encore à se battre pour son retour définitif. «Qu’est-ce que nous n’avons pas fait pour le retour définitif de la paix ? La paix est là, mais pas suffisamment. Si on passe une journée paisible, on craint d’avoir une mauvaise nuit, et vice-versa. Nous souhaitons que la paix durable revienne afin que le développement puisse se réaliser», implore Safiétou Diémé.