POLITIQUE
Mines – Rapport Itie 2022 : Les Otse restent sur leur faim
Le dernier rapport de l’Itie sur les entreprises extractives ne satisfait pas vraiment les membres des Observatoires territoriaux des secteurs extractifs qui, par la voix de leur Secrétaire générale, ne se sont pas gênés pour en relever les différents manquements.
Par Alioune Badara CISS(Correspondant) – Après la mise en place des cadres de concertation au niveau des collectivités territoriales qui abritent des entreprises extractives, le Forum civil a initié, hier à Saly, une rencontre avec les acteurs pour la consolidation des plans d’actions des Observatoires territoriaux des secteurs extractifs (Otse). Avec la tenue de cette rencontre, qui coïncide avec la publication du 10ème rapport de l’Itie, Fatou Tine, Secrétaire générale des Otse, a fait une analyse ainsi que l’exploitation des données de l’Itie.
Elle a constaté que l’Itie, qui veut promouvoir la transparence dans le secteur extractif, fait preuve de manquements. «Le constat est que le rapport de l’Itie est purement descriptif, il n’y a pas de commentaires. Et cela ne nous facilite pas du tout l’exploitation des données. Egalement, pour ce qui est du périmètre de compétences de l’Itie, nous avons constaté qu’il y a beaucoup d’entreprises qui interviennent dans le secteur extractif, qui récoltent des milliards par année, mais qui ne figurent pas dans le rapport. Certes, on nous dit qu’il y a un chiffre d’affaires qui est recommandé pour que l’entreprise puisse être prise en compte dans le rapport de l’Itie, mais nous lançons un appel à l’Etat du Sénégal à prendre des dispositions pour que ce montant-là soit revu à la baisse afin que le maximum d’entreprises soit enrôlé. Nous pensons que lorsque l’on parle de transparence, l’on ne doit pas laisser de détails», a conseillé Fatou Tine.
Pour corroborer ses propos, elle a donné l’exemple de la commune de Ngoundiane, dans la région de Thiès, où à côté de l’exploitation, il y a des entreprises qui sont dans la transformation des minerais alors qu’elles ne sont pas prises en compte dans le rapport.
La Secrétaire générale des Otse a également constaté que sur les données publiées par l’Itie, elle sent qu’il n’y pas une fiscalité particulière pour les industries extractives, «alors qu’au Sénégal, les ménages supportent beaucoup de taxes au moment où on a des entreprises qui récoltent des milliards et qui sont soumises au même régime fiscal que les autres. Donc, il me paraît opportun de voir comment réformer pour créer des sortes d’impôts spécifiques au secteur extractif. Cela nous permettrait par exemple de réduire le coût du sac de ciment qui est excessivement cher au Sénégal alors qu’il y a des entreprises qui sont dans la cimenterie», a déclaré Mme Tine.
Les Otse, qui donnent une mauvaise note à ce rapport 2022 de l’Itie, ne comprennent pas certains détails. Elle en veut pour preuve la part des collectivités territoriales qui n’est pas apparue dans le rapport. C’est pourquoi elle lance un appel à l’Itie de voir à l’avenir comment donner le maximum de détails dans ses rapports.
En ce qui concerne les fonds miniers qui sont destinés aux populations, elle a invité également l’Itie à voir comment les rendre opérationnels. Elle a déploré à ce titre que dans le fond d’appui au développement local prévu par le Code minier de 2016, jusqu’à présent, il y a des entreprises qui ne s’acquittent pas de ce paiement obligatoire. «C’est pareil pour ce qui est des fonds de réhabilitation. On nous dit que l’entreprise qui s’installe et qui commence à exploiter doit ouvrir un compte fiduciaire au niveau de la Caisse des dépôts et consignations pour pouvoir, au moment de son départ, réhabiliter les sites exploités. Maintenant, dans le rapport, on nous a indiqué les montants versés, mais on ne dit pas quelle entreprise a versé et quelle entreprise ne l’a pas fait. Donc, je pense que pour beaucoup plus de transparence et d’assurance pour ces populations qui cohabitent avec ces exploitations-là, on doit avoir des informations claires.»
Elle poursuit ses propos en rappelant que ces sites déjà exploités doivent faire l’objet d’une réhabilitation, mais pas de n’importe quelle manière. Et cela passe par la réhabilitation économique, où les femmes peuvent l’utiliser pour s’adonner à un certain nombre d’activités telles que le maraîchage, l’aquaculture, entre autres.
Les Observatoires territoriaux des secteurs extractifs (Otse) lancent un appel à l’Etat du Sénégal sur le Fonds d’appui et de péréquation destiné aux collectivités territoriales où l’on note des retards, «alors que nous avons opté pour une décentralisation pour créer des territoires compétitifs et porteurs de développement durable. Donc, nous devons vraiment voir, avec l’exploitation du pétrole et du gaz, comment renforcer sur le plan financier les collectivités territoriales pour véritablement aider les populations qui vivent dans cette situation déplorable alors qu’elles cohabitent avec des entreprises qui récoltent des milliards par année», a conclu Fatou Tine.