SOCIETE
Casamance – Paix et développement : Narran-Est reprend des couleurs
Le Naran-Est est prêt à tourner le dos aux activités illicites telles que la coupe abusive de bois et la culture du chanvre indien. La zone veut également sortir de son enclavement et demande un accompagnement à travers des projets de développement et des infrastructures socioéconomiques de base. Après plusieurs décennies de souffrance due au conflit, les populations qui aspirent à une paix définitive se sont engagées à relever ces défis au Forum de Kouram organisé avec l’appui de la Cospac.
Par Khady SONKO – Sortir de son enclavement et avoir une paix définitive. C’est le cri du cœur renouvelé de la population du Naran-Est. Cette partie de la commune de Kataba 1 a longtemps souffert des méfaits de la crise en Casamance. Après des décennies de conflit, la zone connaît une paix précaire à la faveur du dépôt des armes, le 13 mai 2023, par la faction de Diakaye. Aujourd’hui, les populations aspirent au développement et réclament des infrastructures socioéconomiques de base. Pour ce faire, les jeunes avaient mis sur les fonts baptismaux, le Réseau pour le développement du Naran. Ils s’engagent à sécuriser les projets d’infrastructures de développement dans leur zone. Aussi sont-ils debout pour accompagner le processus de paix dans la zone. Ainsi, ils demandent à ce que les travaux démarrent dans les plus brefs délais. «Sinon, nous qui sommes en train de sensibiliser, les gens vont nous considérer comme des menteurs ou des gens qui font de la politique», soutient Abdoulaye Diédhiou.
Le président du réseau est convaincu que sans la paix, il n’y a pas de développement. «L’Etat commence certaines infrastructures dans la zone, mais dès qu’il y a de petits problèmes, il plie ses bagages et quitte», regrette-t-il. Même si l’accès reste très difficile, le Naran-Est n’est plus classifié zone rouge.
La zone a besoin de voies de communication. «Les routes Séliti-Djibidione, Baïla-Biti Biti jusqu’à Kouram, Mongone jusqu’à Djibieum, le tronçon Kataba 1 jusqu’à Darésalam, entre autres, doivent être bitumés», liste M. Diédhiou. Sans masques, les populations ont avoué leurs activités illicites qui leur permettent de survivre. Le Naran-Est est défiguré par la coupe abusive de bois et la culture du chanvre indien. «Nous savons nettement que ce nous faisons n’est pas bon. Vous nous demandez d’arrêter de couper les arbres, vous nous demandez également d’arrêter du cultiver le chanvre indien, mais proposez-nous quelque chose à la place», plaident-elles.
Comme alternative à ces activités illicites, la population demande du matériel agricole et des infrastructures socioéconomiques. «Nous sommes d’accord que nous devons arrêter la coupe du bois et la culture du chanvre indien. Mais si les gens n’ont pas d’alternatives, ils vont continuer à couper et cultiver», avertit l’ex-Commandant de la base de Diakaye, Fatoma Coly. «Si on arrête la coupe du bois, de quoi allons-nous vivre ? Nous sommes dans la brousse, on n’a pas de fleuve ici. Il nous faut vivre avec les moyens du bord. Mais ce sera bien que l’Etat aide la jeunesse à travers les projets agricoles. La terre est disponible ici. L’élevage aussi pourrait marcher. En tout cas, tout ce qui va avec le développement durable. Nous avons parmi nous des diplômés Bac plus, des maîtrisards, des doctorants qui s’adonnent à la coupe de bois ou qui conduisent des motos Jakarta», plaide Ameth Mané, représentant de la jeunesse à ce forum.
Le coordonnateur du Cospac et de la dynamique de la paix a salué l’intercommunalité et la dynamique de cohésion sociale qui sévissent entre les communes de Djinaky, Kataba 1, Djibidione… «Impliquer les jeunes et les femmes, les sages, les religieux», conseilla Henri Ndéky. Le sous-préfet de Kataba 1 recommande aux femmes et aux jeunes de se constituer en Gie. Ainsi, les productions seront achetées par l’Armée sur place et d’autres services de l’Etat. Aussi, forts de leurs Gie, pourront-ils bénéficier des tracteurs que subventionne l’Etat du Sénégal. Le Proval-Cv et Agrijeune sont autant d’opportunités que les populations peuvent saisir pour développer des activités licites et génératrices de revenus.
Célébrer la paix
Le forum était une manière de célébrer la paix et jeter les bases de développement de cette partie de la commune de Kataba 1. Pour Mamadou Wagué, ce jour est historique car il marque une nouvelle ère de paix et de développement. «Après plusieurs décennies de lutte armée, nos frères de la faction Diakaye ont compris que l’heure était venue d’envisager un avenir plus radieux pour le pays, mais également pour la Casamance. Ainsi, après des années de négociations et à la faveur de la signature de l’accord de paix le 13 mai 2023 à Mongone, voilà que nous commençons à récolter les fruits de cette paix tant convoitée. La paix sous-tend le développement, et c’est tout le sens de notre présence ici», a dit l’autorité. Outre les réalisations de l’Etat dans la zone, les projets d’une centrale solaire à Kouram, des salles de classe pour le Cem de Tambouye, l’électrification d’ici 2025 de tous les villages du Naran-Est, la réalisation de la boucle du Fogny qui reliera la Route nationale numéro 5 Séliti à l’arrondissement de Sindian sont les projets de l’Etat. «Nous travaillerons pour le désenclavement, l’électrification, le renforcement du système éducatif, l’adduction en eau potable du Naran-Est. Mais tout ceci ne pourra se concrétiser que dans la paix», promet M. Wagué.
Ses membres demandent à la population de continuer à rapprocher les autres factions du Mfdc à Irapa, afin d’aller ensemble vers la paix. «Il ne peut pas y avoir une paix s’il y a encore des armes dans la zone. Nous sommes prêts à venir pour discuter s’ils sont prêts à nous recevoir. Nous sommes disposés à rencontrer qui veut aller vers la paix», fait savoir le chargé de communication d’Irapa. L’espoir est permis. «Dans nos négociations, l’Etat nous a dit que les autres factions sont prêtes pour déposer les armes», informe Séni Badji d’Irapa.