Avec son Plan stratégique 2024-2028, l’Organisation internationale pour les migrations (Oim) veut mettre en place un système pour sauver des vies et protéger les migrants. Cette année, il y a une recrudescence du phénomène qui a endeuillé beaucoup de familles sénégalaises.
Par Justin GOMIS – Cet été, le Sénégal a été secoué par une vague migratoire inédite. La Méditerranée et l’Atlantique ont été les cimetières des milliers de jeunes. Sans oublier la filière Nicaragua qui n’est pas documentée, mais qui a été aussi périlleuse pour de nombreux migrants sénégalais et africains. Vu la succession de drames au niveau mondial, l’Organisation mondiale pour les migrations (Oim) a lancé son Plan stratégique 2024-2028. Il est articulé autour de 3 objectifs majeurs et d’autres priorités transversales. Il faut d’abord «sauver des vies et protéger les migrants». «La sécurité, la dignité et la protection des personnes sont la première préoccupation de l’Oim dans les contextes de crise les plus difficiles», note-t-elle. Il faut «trouver des solutions aux déplacements», car il est nécessaire de réduire «les risques et les effets du changement climatique, de la dégradation de l’environnement, des conflits et de l’instabilité auxquels sont exposées les communautés touchées par des déplacements ou qui risquent de l’être». Ce qui devrait induire indubitablement à «faciliter les voies de migration régulières». Alors que la plupart des pays ne cessent de fermer davantage leurs frontières, poussant certains à prendre des risques inconsidérés pour trouver un ailleurs meilleur. Que faire pour trouver des solutions aux déplacements ? «Dans un contexte marqué par des déplacements sans précédent à l’échelle mondiale, l’Oim ne se contentera pas de répondre aux crises liées aux déplacements, mais anticipera et atténuera les risques, et renforcera la préparation. Les pays en développement, et surtout les petits Etats insulaires en développement, doivent être préparés aux effets du changement climatique. L’Oim déploiera des efforts de consolidation de la paix pour prévenir et résoudre les conflits, améliorer la stabilité et, en définitive, contribuer à l’édification de sociétés résilientes, pacifiques et inclusives. L’organisation renforcera la cohésion sociale, promouvra une bonne gouvernance, préviendra les violations des droits humains et y répondra, et améliorera les infrastructures publiques», souligne-t-elle.
Pour y arriver, il faut «mettre à profit le potentiel de la migration». Il faut régler le problème à la racine comme la lutte contre la pauvreté, les inégalités, le changement climatique et les conflits, qui sont «indissociables de la migration». Aux yeux du monde, la migration «peut offrir une vie meilleure aux personnes, à leur famille, à leur communauté et à la société». «La migration fait partie intégrante du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui expose clairement plusieurs des liens qui unissent la migration et le développement durable, et reconnaît que les migrants doivent être pris en compte dans les efforts visant à ne laisser personne de côté. Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières s’inscrit dans le droit-fil de la cible 10.7 du Programme 2030, au titre de laquelle les Etats membres se sont engagés à coopérer à l’échelle internationale pour faciliter la migration de façon ordonnée, sûre et régulière», note l’Oim.
Accords migratoires
Par ailleurs, il faut favoriser, selon l’organisation, une croissance économique soutenue, partagée et durable grâce à des voies de migration de main-d’œuvre sûres, à des moyens de subsistance durables et à un travail décent, veiller à ce que la migration procède toujours d’un choix, en promouvant l’avènement d’un monde plus pacifique, et faciliter des migrations sûres, ordonnées et régulières dans le contexte de l’action climatique. Sans oublier de «faciliter des accords entre les Etats pour assurer la cohérence des politiques migratoires et tenir compte des migrants dans les politiques et régimes de protection sociale». En tout cas, le Plan stratégique de l’Oim 2024-2028 «montre comment, en promouvant des migrations sûres, ordonnées et régulières, les activités de l’organisation contribuent aux progrès accomplis à l’échelle nationale sur la voie de la réalisation des Odd (…)».
Pour Amy E. Pope, Directrice générale de l’Oim, c’est une avancée. «Ce plan stratégique est conforme au mandat de l’Oim, qui est de faciliter des migrations ordonnées et respectueuses de la dignité humaine. Il retranscrit tout à la fois la sagesse et l’expérience acquises par l’organisation au cours des 70 dernières années, et la volonté de celle-ci de suivre une approche novatrice au bénéfice des migrants, de leur famille, de leur communauté et de la société», avance-t-elle.
Cette année, l’émigration irrégulière a explosé, provoquant la saturation des sites d’accueil au niveau des îles Canaries. Depuis janvier, plus de 23 000 migrants ont débarqué au niveau de l’archipel espagnol, soit une hausse de près de 80% par rapport à la même période de 2022. La majorité des arrivants sont originaires du Sénégal secoué par cette vague migratoire ponctuée de décès tragiques avec des naufrages d’embarcations, et de décès dus à de mauvaises conditions de voyage et climatiques. Sans oublier la filière Nicaragua pour les Etats-Unis qui n’est pas suffisamment documentée, mais des morts aussi jonchent le chemin vers l’accomplissement du… rêve américain.