SOCIETE

Thiès – Morcellement de la devanture du Cedaf : Les femmes vent debout contre le projet

Un «vandalisme foncier» est dénoncé sur la devanture du Centre départemental d’assistance et de formation pour la femme (Cedaf) de Thiès, au quartier Thiapong, dans la commune Thiès-Nord.

Par Cheikh CAMARA – L’ancienne députée, Elène Tine, Pr El Hadji Mounirou Ndiaye, enseignant-chercheur au Département sciences économiques de l’Université Iba Der Thiam (Uidt) de Thiès, entre autres membres du Conseil de quartier de Thiapong, ont dénoncé l’occupation des alentours du Centre départemental d’assistance et de formation pour la femme (Cedaf) de Thiès. «La devanture du centre, qui a été spoliée pour en faire des immeubles qui vont, après, obstruer la vie de la structure et y amener des problèmes de sécurité, est un espace de production pour toutes les femmes du département de Thiès», dénoncent-ils. Ils sont stupéfaits par cette situation. «Le premier lotissement de Thiapong en avait fait un espace vert, qui est devenu un espace de production où les femmes sont en train de produire, d’en faire un espace d’apprentissage après leur formation. Nous ne pouvons pas comprendre que des gens viennent trouver ces femmes dans leur espace de production pour mettre du béton sur elles et creuser des trous pour faire des fondations. C’est inadmissible et inacceptable», accusent-ils.

Bien sûr, ils appellent les autorités de la région de Thiès, en l’occurrence le Gouverneur, le Préfet, le Sous-préfet de Thiès-Nord, à «parler aux autorités étatiques». Ils en appellent surtout à la diligence de la ministre de la Femme, de la famille et du genre, Fatou Diané, du Premier ministre et du Président Macky Sall de «faire la lumière, parce que ces gens-là n’en sont pas à leur premier coup, parce qu’à chaque fois il y a des individus mus par des intérêts personnels qui revendiquent des terrains  au niveau des espaces verts (espaces publics) pour ensuite les parcelliser sauvagement». Pour que «ce centre soit sauvé, qu’on arrête la spoliation sur sa devanture». Elène Tine est catégorique : «En ce mois de mars, nous allons déployer une stratégie de lutte. S’il le faut d’ici le 30 mars, avant la fin du mois de la femme, nous allons organiser des marches chaque jour, aller jusqu’à la Préfecture, la Gouvernance, au Service des impôts et domaines, crier afin que cette espace-là soit libéré. Il faut que les gens acceptent de venir parler aux autorités qui sont disposées à nous aider, nous tous, pour que nous puissions redonner aux femmes du département de Thiès cette partie-là qui est un espace de production.»

Bassirou Sow, président de la Commission domaniale de la mairie Thiès-Nord, dirigée par Birame Soulèye Diop, affiche son impuissance : «Dans toute la zone nord, des autorités politiques, étatiques et religieuses ont vandalisé presque tous les espaces verts.» Le chef du Service de l’urbanisme, Abdul Aziz Diop, avait condamné la démarche : «Même si le morcellement est légal, vu sa position juxtaposée au Cedaf, il est recommandé de revoir la situation et de réaffecter le site audit centre.» Les habitants de Thiapong sont agacés par cette situation : «Une personne, soi-disant propriétaire d’un de ces terrains, est venue déposer une sommation demandant aux groupements de femmes de quitter le site.» Les organisations féminines et le Conseil du quartier Thiapong, qui parlent de «situation inquiétante», dénoncent «cet accaparement foncier» et refusent catégoriquement «ce morcellement de terrains de la devanture du Cedaf qui est un édifice public».

Décision controversée
Le 11 décembre 2023, les organisations féminines du département de Thiès et le Conseil de quartier de Thiapong (Thiès Nord) avaient saisi le Gouverneur de la région de Thiès, à travers une lettre d’information sur «le morcellement de terrains à usage d’habitation de la devanture du Centre départemental d’assistance et de formation pour la femme». En rappelant que «la devanture du Cedaf fait partie intégrante du centre, et le plan de lotissement original du quartier n’avait rien prévu sur cet espace, que des autorités assoiffées du foncier veulent morceler, ce qui va rendre ce dernier inaccessible, invisible, en plus de l’insécurité qui va y s’installer». Les femmes, qui sont formées dans le centre, disent utiliser la devanture pour «expérimenter et pratiquer les formations reçues sur le maraîchage, l’arboriculture et la pisciculture. Plus d’une centaine de femmes y gagnent leur vie à partir de ces activités génératrices de revenus». Elles pensent qu’«au moment où le gouvernement du Sénégal a voulu renforcer l’accès au foncier des femmes en créant ces centres dédiés aux femmes, les autorités ne devraient pas désaffecter cet espace pour en faire des terrains à usage d’habitation commerciale».

Le 15 janvier 2021, le Préfet de Thiès, Moussa Diagne, avait convoqué une réunion, en présence des organisations féminines et de tous les chefs de service qui gèrent le foncier de Thiès, pour trouver un terrain d’entente, après plusieurs manifestations et sit-in organisés dans la ville. Le chef de l’exécutif départemental avait intimé l’ordre au Receveur des impôts et domaines d’alors d’arrêter ce morcellement devant un édifice public. Ce dernier avait pris l’engagement de l’annuler. Aussi le Préfet avait-il demandé à la directrice du Cedaf de Thiès, Mme Mbengue Fatou Guèye Diassé, de lui envoyer une demande d’affectation de cet espace afin de régler définitivement ce problème.
Correspondant

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