POLITIQUE
Quand Bruno Le Maire fait du pied à TotalEnergies pour que la major investisse dans le nucléaire français
« Le nucléaire, c’est une énergie décarbonée et que Total continue d’investir et dans les renouvelables et dans le nucléaire nous paraît une façon de sortir du fossile de manière accélérée », a argumenté Bruno Le Maire à l’occasion d’une audition au Sénat ce jeudi.
« Nous ne voyons que des avantages à ce que Total participe, sous une forme ou sous une autre, à l’investissement dans les réacteurs nucléaires ». C’est ce qu’a déclaré ce jeudi le ministre de l’Economie, devant la commission sur les obligations climatiques de TotalEnergies en France.
Et d’argumenter : « Le nucléaire, c’est une énergie décarbonée et que Total continue d’investir et dans les renouvelables et dans le nucléaire nous paraît une façon de sortir du fossile de manière accélérée ». Néanmoins, il ne s’agirait pas à proprement parler d’un investissement direct dans EDF sous la forme d’une participation au capital, mais de la signature de contrats de fourniture d’électricité sur le long terme, avec un partage des risques sur la production nucléaire entre l’exploitant du parc et TotalEnergies.
Par ailleurs, si Bruno Le Maire a précisé ne pas connaître « les décisions de Total, qui est une entreprise privée », l’hypothèse d’un tel investissement « serait est tout à fait acceptable ». Et le ministre de rappeler qu’au Forum de Davos, le 19 janvier, le patron de TotalEnergies Patrick Pouyanné avait « proposé un appui financier à la relance du nucléaire en France ».
Le PDG de Total sur la même longueur d’onde
Les propos de Bruno Le Maire font écho à la position du PDG de la major française. A la dernière édition du forum de Davos, Patrick Pouyanné avait en effet répété qu’il était prêt à « signer des contrats de 15, 20 ans » pour « aider finalement à financer » de nouveaux réacteurs, précisant que rien n’était « encore signé » avec EDF. En effet, TotalEnergies est à la fois un fournisseur d’énergie et un industriel électro-intensif, qui nécessite de grandes quantités de courant du fait de ses activités de raffinage.
Ces potentiels investissements seraient bienvenus pour le groupe énergétique français, dont l’Etat est maintenant l’actionnaire majoritaire. En effet, l’électricien fait aujourd’hui face à un mur d’investissements dans le cadre du programme de construction nucléairesouhaité par l’Etat. Soit jusqu’à 14 futurs réacteurs EPR2.
Du côté d’EDF, l’idée de faire affaire avec TotalEnergies est bel et bien là. En novembre dernier, l’énergéticien français a confirmé vouloir proposer aux entreprises plus grosses consommatrices d’énergie en France (dont fait partie la major) des contrats adossés à des actifs nucléaires. Ces « partenariats » porteront sur des durées de 10 à 15 ans, voire au-delà.
S’apparentant à des contrats de type PPA (« Power purchase agreement »), ils incluront des avances versées par les clients. Objectif, réserver une portion de la production du parc nucléaire, avec des paiements qui seraient ensuite fonction des coûts de revient des centrales. Avec ce système, EDF souhaite ainsi partager ses risques et obtenir de la visibilité sur ses revenus. Les industriels en question lui verseraient une avance en tête, c’est-à-dire une contribution initiale couvre les investissements passés par EDF sur son parc de production, ainsi que les coûts de fin de vie du parc (post-exploitation de démantèlement et de traitement des déchets).
Une commission sénatoriale se penche sur le sujet
Installée à l’initiative du groupe écologiste au Sénat, la commission devant laquelle Bruno Le Maire a été auditionnée aujourd’hui a commencé ses travaux le 25 janvier dernier. Celle-ci est présidée par le sénateur LR Roger Karoutchi et son rapporteur n’est autre que l’ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot. Ce travail parlementaire porte sur « les moyens mobilisés et mobilisables par l’Etat pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».
A ce sujet, le ministre de l’Economie a défendu le rôle de TotalEnergies comme « atout en termes d’indépendance » énergétique. Notamment pour l’approvisionnement de la France en gaz et en diesel, essentiel pendant la crise énergétique, mais aussi pour la décarbonation. « TotalEnergies a un atout, c’est d’investir (…) massivement dans les énergies renouvelables. (…) Ils sont, de ce point de vue-là mieux-disants que les autres majors anglo-saxonnes », a ainsi souligné le ministre.
« Il faut être lucide sur le fait que le capital, lui, est aujourd’hui détenu par 40% d’actionnaires américains » et « donc comprendre les contraintes qui peuvent être celles de TotalEnergies », a-t-il dit.
(Avec AFP)