Plusieurs partis d’opposition togolais et groupes de la société civile ont appelé jeudi à trois jours de manifestations pour protester contre le report des élections législatives et régionales, dans un contexte de tensions politiques croissantes depuis l’adoption d’une nouvelle Constitution fin mars.
Quatre partis d’opposition (ADDI, ANC, FDR et PSR) et une organisation de la société civile (FCTD) « appellent les populations à les rejoindre pour une grande manifestation de protestation les 11, 12 et 13 avril », dans une déclaration rendue publique jeudi, et « demandent aux candidats de poursuivre la campagne sur toute l’étendue du territoire national ». Au Togo, les manifestations sont interdites depuis 2022, après une attaque au grand marché de Lomé qui avait conduit à la mort d’un gendarme. Cet appel à manifester intervient au lendemain de l’annonce du report des élections législatives et régionales, initialement prévues le 20 avril, afin, selon les autorités, de donner le temps à l’Assemblée nationale d’étudier une seconde fois le projet de nouvelle Constitution qu’elle a adoptée le 25 mars. Après la levée de boucliers provoquée par l’adoption de cette nouvelle Constitution, qui fait passer le Togo d’un régime présidentiel à un régime parlementaire, le président Faure Gnassingbé – au pouvoir depuis 2005 à la suite de son père qui a occupé la magistrature suprême pendant près de 38 ans – a ordonné la semaine dernière un nouvel examen du texte par les députés.
« Mépris »
Le report des élections, sans qu’aucune nouvelle date soit annoncée, « est un signe de mépris pour les candidats qui se sont préparés et qui ont engagé des frais énormes, c’est une fuite en avant », a déclaré à l’AFP Brigitte Adjamagbo-Johnson, coordinatrice de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP, regroupement de partis politiques de l’opposition et d’organisations de la société civile). L’opposition craint que la nouvelle Constitution, qui confère à l’Assemblée nationale le pouvoir d’élire directement le président et le chef du gouvernement, ne laisse la voie libre à la prolongation du président Faure Gnassingbé à la tête du pays. « Les Togolais sont en colère et ils veulent que ce projet de loi constitutionnelle soit purement et simplement retiré », a déclaré à l’AFP Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT), qui estime que le pouvoir est « en train de créer du désordre dans ce pays ». « Les Togolais sont vigilants. Cette fois-ci, ce coup d’Etat constitutionnel ne passera pas », a-t-il ajouté. Les élections législatives et régionales étaient censées se tenir en décembre, puis avaient été fixées au 12 avril avant d’être reportées au 20 avril. L’opposition, qui avait boycotté les dernières législatives de 2018, a prévu de participer massivement au scrutin cette année. « Une Assemblée nationale dont le mandat est terminé et qui est en instance de renouvellement imminent ne peut pas se permettre de procéder à une révision aussi importante de la loi fondamentale », a expliqué à l’AFP David Dosseh, porte-parole du Front citoyen Togo debout (FCTF, le grand regroupement de la société civile). « Nous sommes en pleine fraude à la Constitution », a déclaré jeudi à l’AFP l’historien Michel Goeh-Akue qui estime que « le changement de Constitution requiert un referendum ».
Parcours législatif
La réforme constitutionnelle a déjà suscité des tensions: les gendarmes togolais ont interrompu une récente conférence de presse organisée par une trentaine de partis d’opposition et de groupes de la société civile, seulement 48H après l’adoption de la nouvelle Constitution en première lecture par les députés. Le ministre togolais de la Fonction publique, Gilbert Bawara, a défendu la seconde lecture du texte à l’Assemblée jeudi sur une radio privée locale. « Le circuit législatif relatif à cette réforme constitutionnelle n’est pas encore achevé », a-t-il déclaré, ajoutant croire que les législatives seront organisées « sur la base de la réforme constitutionnelle actuelle ». Les tensions politiques au Togo s’inscrivent dans une Afrique de l’Ouest secouée par des coups d’Etat au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, et le jihadisme, également présent dans le nord du Togo. Faure Gnassingbé a joué à plusieurs reprises le rôle de médiateur entre les pays où ont eu lieu des coups d’Etat et les instances régionales comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
AFP