Après Nouakchott aujourd’hui, le Président Diomaye Faye se rend aussi samedi à Banjul pour raffermir ces deux axes diplomatiques où les relations sont densifiées davantage par des politiques économiques soutenues que rien ne peut désormais déconstruire. Il y a le gaz, et les ponts ont été érigés pour assurer une continuité territoriale avec les voisins.
Par Bocar SAKHO – En diplomatie, on l’appelle la diplomatie du bon voisinage. Bassirou Diomaye Faye se rend aujourd’hui à Nouakchott qui devient, au-delà de la géographie, le plus important et stratégique partenaire de Dakar. Après la découverte par Kosmos Energy d’un important gisement gazier à la frontière entre les deux pays, baptisé Grand Tortue Ahmeyim (Gta). Il est devenu le symbole fort du grand partenariat économique entre la Mauritanie et le Sénégal, qui ont réussi à négocier les termes des conventions pour le développement du gisement dont les premiers m3 sont attendus d’ici décembre 2024.
Au-delà des accolades et des chaudes poignées de main à l’aéroport de Nouakchott entre les présidents Faye et Mohamed Ould Ghazouani, il s’agira d’intensifier les relations entre les deux pays, qui ont tourné depuis plusieurs décennies, la page sombre de leurs liens. Au menu des discussions de ce mercredi, il y aura aussi la question de la pêche, qui provoque souvent de petites secousses entre les garde-côtes mauritaniens et les pêcheurs sénégalais qui cherchent trop loin des zones plus poissonneuses. Même si tout n’est pas réglé, les discussions ont été longues, un nouvel accord sur la pêche a été signé par l’ancien ministre des Pêches et de l’économie maritime le lundi 8 janvier 2024 à Saint-Louis, à la remise de 500 licences de pêche accordées aux pêcheurs de la Langue de Barbarie. Cet accord fait suite à la signature du protocole d’accord entre le Sénégal et la Mauritanie le 21 juillet 2023. En détail, ces licences vont permettre aux pêcheurs saint-louisiens de capturer 50 mille tonnes de poissons pélagiques dans les eaux mauritaniennes.
Entre les deux pays, les ponts du futur sont déjà construits. Mais, le plus important, qui va encore relier les deux Rosso, enjambe le fleuve Sénégal, d’un montant global de 26, 7 milliards F Cfa et cofinancé par la Banque africaine de développement (Bad), la Banque européenne d’investissement (Bei), l’Union européenne (Ue) ainsi que les gouvernements de la Mauritanie et du Sénégal. Evidemment, la construction d’un pont sur le fleuve Sénégal à Rosso va favoriser la mise en place de mesures de facilitation des transports, du commerce et des marchandises entre les deux rives, le développement des activités de transport le long des corridors transafricains Tanger-Lagos et Alger-Dakar d’une part, et entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne d’autre part. Par ailleurs, le projet contribuera à réduire considérablement le temps de franchissement jusque-là opéré par un bac qui ne fonctionne qu’à certaines heures.
Intégration et rapports de voisinage
Pour éviter des cloisonnements, le même type de pont a été érigé sur le fleuve Gambie pour aussi porter les mêmes projets d’intégration sous-régionale. Sous Macky Sall, Banjul, Nouakchott et Dakar ont réussi à faire tomber les frontières pour avoir des relations bilatérales plus intégrées et sans discontinuité territoriale. Le pont de Faréfégni a permis de changer énormément de choses entre les deux pays, une situation favorisée aussi par l’arrivée au pouvoir du Président Adama Barrow en décembre 2017. Il a même été investi à Dakar, qui est son «parrain» depuis son accession à la tête du pays. Sous l’impulsion de la Cedeao, des militaires sénégalais ont été envoyés en Gambie, au nom du rétablissement de la démocratie, après le refus de Yahya Jammeh de lâcher le pouvoir après sa défaite. Depuis 2017, des forces militaires sénégalaises y sont stationnées et des agents du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale assurent toujours sa sécurité.
Autant que Nouakchott, Banjul fait partie des couloirs diplomatiques les plus importants du Sénégal que le nouveau Président ne peut ignorer. Après la Mauritanie, Bassirou Diomaye Faye va se rendre dans la capitale gambienne pour sa deuxième visite présidentielle depuis son investiture le 2 avril dernier pour succéder à Macky Sall. Ce dernier avait au moins compris l’importance de l’arc du voisinage dans la diplomatie en logeant à la même enseigne tous les diplomates. Ceux qui étaient à Banjul, Nouakchott, Conakry avaient les mêmes avantages que les représentants sénégalais installés à New York ou Pékin.
Aujourd’hui, le nouveau chef de l’Etat conserve cette identité, en attendant de voir les prochaines évolutions de la carte diplomatique. Alors que le cercle diplomatique sénégalais est resté jusqu’ici immuable : France, Maroc, Etats-Unis, Arabie Saoudite et Canada. Même si les relations ont été diversifiées avec la Chine et la Turquie et d’autres pays. Et ensuite ?