Emmuré dans le silence depuis la Présidentielle du 24 mars, qui a consacré l’élection de Bassirou Diomaye Faye, Amadou Ba, arrivé deuxième avec 35,79%, est sorti de sa réserve. Il n’a pas pris la parole. Il a écrit un texte pour se projeter sur son futur politique. L’ex-Premier ministre va incarner «une opposition démocratique et républicaine» et préserver la vitrine démocratique sénégalaise. Va-t-il quitter l’Apr ? En tout cas, il annonce un nouveau cadre résolument porteur d’une nouvelle orientation et d’une nouvelle dynamique politiques. Voici in extenso son message.
«Sénégalaises, Sénégalais, mes chers compatriotes,
Terre d’ouverture, de tolérance et de liberté, le Sénégal a marqué tous ses rendez-vous avec l’histoire d’une empreinte indélébile de progrès. Toutes les crises que nous avons traversées ont révélé la grande capacité de notre pays à vaincre les défis, à transformer les obstacles en opportunités pour le maintenir dans sa trajectoire de paix et de solidarité. Chaque étape de notre histoire politique et sociale a raffermi en chacun de nous la volonté commune de maintenir le Sénégal comme une authentique République et un modèle de démocratie.
La dernière élection présidentielle est une preuve multipliée de cette capacité politique de notre Peuple à veiller sur les équilibres et à tracer des lignes rouges dont les institutions de la République demeurent les garants de leur inviolabilité.
A la lumière des événements douloureux de mars 2021 et de juin 2023, mais instruits également par les leçons de la dernière élection présidentielle, notre Nouvelle Responsabilité est de déclarer la péremption de la violence dans le règlement des différends politiques. Aussi pourra-t-on s’accorder pour considérer que, désormais, la concertation et le dialogue doivent être considérés comme les premiers principes et les règles d’une gestion prévisionnelle des conflits.
Notre conviction intime est qu’à présent, nous devons regarder résolument vers l’avenir dans la perspective de nous assigner une Nouvelle Responsabilité. Nous y sommes même condamnés, si nous ne voulons laisser aucune chance aux démons de la division et de la violence de nous mettre face à de nouveaux périls, alors que nous avons de réelles opportunités de réaliser notre émergence politique et économique.
Ainsi, notre Nouvelle Responsabilité est de faire de l’espace politique un lieu apaisé, un cadre de confrontations d’idées, de définition de stratégies, de projets et de programmes, dans l’unique but de construire une société équilibrée. Une société susceptible d’offrir à chaque citoyen les moyens de vivre heureux, en participant activement à la vie de la communauté.
Notre Nouvelle Responsabilité est d’incarner une opposition démocratique et républicaine. Une opposition adossée, à la fois dans sa conduite et dans son action, à une éthique politique soucieuse en priorité de la vie de chaque Sénégalaise et de chaque Sénégalais.
La Constitution de notre pays indique clairement que les ressources naturelles appartiennent aux populations. Face à cette prescription impérieuse, notre responsabilité est de tout faire pour que ce qui est aujourd’hui perçu comme un idéal de bien commun passe d’un principe à une réalité dans la vie de chaque citoyen.
Pour y arriver, le Sénégal doit offrir l’exemple d’un service public de qualité, dans lequel la sécurité alimentaire, la santé, l’éducation, l’eau et l’électricité, l’emploi, le logement et le cadre de vie, la sécurité, la mobilité, la culture, la communication, l’environnement ne sont plus un luxe, mais des standards minimaux adossés aux droits imprescriptibles de chaque citoyen.
Le Sénégal a tous les atouts pour relever un tel défi par une culture entrepreneuriale de sa jeunesse, par le dynamisme et l’engagement de ses femmes, par l’intelligence et l’expertise de ses fils à l’intérieur et dans la diaspora, par la robustesse de son architecture institutionnelle et par sa crédibilité sur la scène internationale.
L’égalité de tous les citoyens devant la loi, le respect des libertés, notamment la liberté d’expression, la liberté d’organisation et la liberté de manifestation dans la légalité républicaine, la défense de l’intégrité physique et morale de tous et de chacun constituent, entre autres, des conditions d’une paix sociale durable dans un Etat de Droit.
Notre Nouvelle Responsabilité nous impose de consentir davantage de sacrifices pour que notre histoire nationale, ponctuée de moments mémorables de gloire, ne soit pas un simple étendard, un luxe ornemental, mais le souffle permanent de notre Nation debout.
Cela, nous devons le faire en tant qu’héritiers des audaces créatrices des héros de notre histoire nationale qui se sont dressés contre les barbaries esclavagistes et coloniales, en tant que descendants d’authentiques autorités spirituelles, porteuses des résistances culturelles qui nous valent aujourd’hui une reconnaissance universelle, en tant que dépositaires du génie. Sans oublier, tant s’en faut, les notoriétés intellectuelles qui ont marqué l’excellence de nos universités.
Notre conviction que nous devons et que nous pouvons porter le lourd poids de cette Nouvelle Responsabilité sur nos épaules, réside dans le fait que nous la ressentons avec bonheur et enthousiasme. Si nous avons la confiance d’y réussir, c’est parce que nous sommes dans le labeur quotidien qui mobilise nos énergies et savons pouvoir compter sur le génie de notre Peuple, sur sa participation efficace dans sa réalisation. Car c’est du Peuple que la politique tire sa raison d’être, sa force et sa puissance.
C’est pourquoi le Peuple sénégalais est l’horizon absolu de notre conviction, la raison d’être de cette Nouvelle Responsabilité, que nous portons lourdement mais fièrement, et le socle indestructible de nos espérances.
Nous savons que le Peuple est la principale richesse de la Nation. Il en est la chair et le sang. Il en est le souffle vital et l’énergie créatrice. Nous rendons grâce à ce Peuple sénégalais souverain, source unique de toute légitimité.
C’est sur le fond de cet idéal républicain et démocratique, porté par une Nouvelle Responsabilité, que nous défendons la République, ses principes et ses valeurs. Sa vocation à assurer l’égalité des citoyens emporte notre totale adhésion, de la même manière que nous tenons fermement à sa dimension de régulation qui offre à chaque citoyen les opportunités de sortir du cercle vicieux du besoin.
Nous défendons la démocratie, ses principes et ses valeurs. Dans le respect des institutions. La démocratie est le régime des saines compétitions, mettant en scène des idées et projets dont le seul arbitre est le Peuple souverain.
Nous défendons la paix, la stabilité et la sécurité des citoyens et du pays. Ce sont les bases-mêmes du développement et du bien-être des populations qui ne relèvent pas de la seule prérogative de l’Etat, mais engagent chacun de nous.
Nous défendons la panafricanité, comprise comme legs de nos devanciers et projet affirmatif d’une Afrique qui se construit pas à pas et s’impose comme puissance au cœur des décisions qui façonnent le monde. Notre Nouvelle Responsabilité, à laquelle j’appelle toutes les bonnes volontés, est de conjuguer le futur au présent en multipliant les espaces de concertations, de discussions, de débats d’idées, de projets et d’actions, où se tissent une nouvelle trajectoire, une nouvelle dynamique, une nouvelle manière de faire la politique.
C’est à ce combat, pour asseoir et conduire cette Nouvelle Responsabilité, que nous invitons tous nos compatriotes d’ici et de la diaspora, tous nos amis et tous les cadres de notre pays.
Je m’y engage, sans aucune concession possible, vous y engage également, en sachant pouvoir compter sur vous tous pour mener le combat.
Ensemble, nous construirons, dans les toutes prochaines semaines, un nouveau cadre résolument porteur d’une nouvelle orientation et d’une nouvelle dynamique politiques.
Vive la République ! Vive le Sénégal !»