SOCIETE
Déficit public excessif : la France et six autres pays épinglés par Bruxelles
Bien que le gouvernement ambitionne de ramener le déficit public sous la barre des 3% en 2027, selon l’objectif fixé par le Pacte de stabilité et de croissance européen, il est, pour l’heure, largement dépassé avec 5,5% du PIB atteints en 2023.
Article publié le mercredi 19 juin 2024 à 11H45 et mis à jour à 12H24] Le couperet est tombé : la France est bel est bien dans une situation de déficit public excessif, aux yeux de l’exécutif bruxellois. C’est la conclusion rendue par la Commission européenne, ce mercredi, qui a épinglé sept pays pour leurs déficits budgétaires. Outre la France, ces procédures « sont justifiées » pour l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte, a estimé la Commission dans un communiqué.
Autrement dit, leurs déficits publics ont dépassé, l’an dernier, la limite de 3% du Produit intérieur brut (PIB), seuil fixé par le Pacte de stabilité depuis 1997 pour maintenir les comptes de la zone euro à l’équilibre. Formellement, l’exécutif européen proposera aux Etats membres d’ouvrir les procédures lors d’une prochaine réunion des ministres des Finances le 16 juillet. Rien de nouveau pour la France, dont le dernier excédent budgétaire remonte à 1974, et qui a été la plupart du temps en procédure de déficit excessif depuis la création de l’euro au tournant des années 2000. Elle en était toutefois sortie en 2017.
En 2023, son déficit public a néanmoins atteint, en 2023, 5,5%, soit 15,8 milliards d’euros de plus que ce qu’avait prévu le gouvernement (4,9%). Et l’ambition de ce dernier de ramener le déficit public sous la barre des 3% en 2027 semble bien difficile à atteindre.
D’autant que, à l’approche des élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains, le différents partis et coalitions multiplient les propositions économiques. De quoi alourdir davantage le déficit et la dette du pays. À titre d’exemple, le Nouveau Front populaire a d’ores et déjà chiffré son programme économique à 106 milliards d’euros de dépenses sur trois ans, selon les données communiquées mardi par Valérie Rabault, députée PS sortante et candidate à sa réélection dans la première circonscription du Tarn-et-Garonne. Néanmoins, « en se basant sur ces hypothèses [de croissance et de recettes, ndlr], notre trajectoire budgétaire prévoit un déficit de 5,7% du PIB cette année, puis 5,4% en 2025 et 5,1% en 2026 avant d’atterrir à 3,6% en 2029 », a-t-elle assuré.
Réforme du Pacte de stabilité et de croissance
Quelle conséquence d’un tel dépassement et donc du non-respect des règles en vigueur au sein de l’Union européenne ?
Pour rappel, fin avril, le Parlement européen a adopté une réforme du Pacte de stabilité qui prévoit, outre un déficit public inférieur à 3% du PIB, que la dette des Etats ne dépasse pas 60% de celui-ci. Les règles du texte avaient été suspendues entre 2020 et 2023 en raison de la pandémie de Covid-19 et des conséquences de la guerre en Ukraine, et, durant cette période, les déficits des Etats ainsi que leur endettement se sont creusés, rendant difficile un retour aux règles en vigueur en 2020. Elles ont depuis été réinstaurées. Mais « cela ne signifie pas un « retour à la normale » car nous ne vivons pas des temps normaux et certainement pas un « retour à l’austérité », car ce serait une terrible erreur », a affirmé le commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni, invitant à la « prudence budgétaire » face aux risques géopolitiques.
Suite à la réforme du Pacte de stabilité, plusieurs éléments ont d’ailleurs évolué : la surveillance budgétaire se concentre désormais sur un seul indicateur, l’évolution des dépenses annuelles des États membres. Ces derniers sont sommés de présenter des plans nationaux décrivant leurs objectifs de dépenses sur quatre ans, ainsi que la manière dont ils envisagent de réaliser leurs réformes et leurs investissements.
Autre évolution dans cette nouvelle version du Pacte de stabilité et de croissance : les trajectoires budgétaires sont adaptées à chaque pays, tout en restant strictement encadrées. Et les objectifs de 3% du PIB pour le déficit public et de 60% du PIB pour la dette publique sont maintenus.
Sanctions financières jamais appliquées
En cas de non-respect de ces derniers, la Commission fixe alors de nouveaux objectifs de réduction de la dette : 1% en moyenne par an si elle dépasse 90% du PIB, et de 0,5% par an si elle se situe entre 60% et 90% du PIB. Quant aux pays avec un déficit public excessif, ils devront le réduire pendant les périodes de croissance pour atteindre 1,5% du PIB
En outre, le nouveau Pacte de stabilité prévoit en principe des sanctions financières à hauteur de 0,1% du PIB par an pour les pays qui ne mettront pas en œuvre les corrections imposées. Elles s’élèveraient par exemple à près de 2,5 milliards d’euros pour la France.
En réalité, ces punitions, politiquement explosives, n’ont jamais été appliquées pour ne pas enfoncer des pays déjà en difficulté. « Je pense que cette décision [le placement de la France sur la liste des pays en infraction pour déficit excessif, ndlr] sera un non-événement à court-terme », estimait, d’ailleurs, l’économiste chez Pictet Asset Management, Christopher Dembick interrogé par La Tribune mardi. « Il y a aura relativement peu d’effet à attendre de ces sanctions », a abondé Bruno De Moura Fernandes, économiste chez Coface. En revanche, cette décision signifie « qu’il faudra s’attaquer au sujet de la dette à moyen terme. Il faudra prendre ce sujet à bras le corps après les élections législatives », a néanmoins ajouté Christopher Dembick