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Guest Edito : La rhétorique d’une France qui pille le Sénégal est fausse

A quelques jours du premier déplacement du nouveau président de la République du Sénégal à Paris, le débat reste vif sur un supposé pillage par la France des ressources du Sénégal et au-delà, des pays d’Afrique francophone. Les fake news souvent brandis sur internet ou via des médias peu regardants alimentent la rhétorique anti-impérialiste, voire le sentiment anti-français qui gagne hélas une partie de la jeunesse. Récemment, une folle rumeur circulait sur les canaux WhatsApp sénégalais relative au fait que 80% des entreprises présentes au Sénégal seraient à capitaux français. Naturellement ce chiffre est faux, mais il nous pousse à tenter de déceler le vrai du faux et de rétablir la vérité de la relation économique entre les deux pays, avec des arguments factuels. Tout d’abord, la France et le Sénégal sont des partenaires commerciaux historiques. Depuis 10 ans, les échanges commerciaux entre les deux pays sont en constante augmentation. La France est également le 1er investisseur du Sénégal, avec 43% du stock d’Ide. L’activité des 270 entreprises françaises contribue à hauteur d’un quart du Pib et des recettes fiscales du Sénégal. Enfin, la France est le premier bailleur bilatéral en matière d’aide publique au développement du Sénégal.

Le Sénégal et la France, des partenaires commerciaux majeurs.
D’après le Trésor français, le Sénégal occupe la 56ème place parmi les clients de la France et la 3ème place en Afrique subsaharienne, après l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire. En 2023, selon les Douanes françaises, les échanges commerciaux entre la France et le Sénégal se sont élevés à 1, 1 milliard d’euros, avec un excédent commercial en faveur de la France s’élevant à 937 millions d’euros. Il convient de noter qu’en 2022, malgré les tensions politiques liées à la matière électorale au Sénégal, les échanges commerciaux entre la France et le Sénégal avaient atteint 1059 millions d’euros, enregistrant une augmentation de 18% par rapport à l’année précédente. Cette tendance positive semble donc se maintenir, avec une croissance continue démontrant la solidité des liens commerciaux entre les 2 pays.

Les données publiées par le Trésor montrent que les excédents commerciaux générés par la France au Sénégal sont en constante augmentation depuis une dizaine d’années, du fait de la hausse des exportations françaises vers le Sénégal. Entre 2021 et 2022, ces dernières ont par exemple augmenté de 17, 8%. En outre, en 2023, 9, 22% des exportations françaises régionales ont été réalisés au Sénégal. Dans la continuité des chiffres publiés ces 10 dernières années, les résultats témoignent de la robustesse des relations commerciales franco-sénégalaises. Ainsi, en dépit d’une concurrence en augmentation et de manifestations exprimant un «sentiment anti-français» au sein d’une partie de nos compatriotes, le dynamisme des affaires reste inchangé.

En conséquence de la hausse de ses exportations, et du fait de l’augmentation des échanges commerciaux entre la France et le Sénégal, Paris est redevenue en 2023, selon le Fmi, le 1er fournisseur de biens du Sénégal, avec 12% des parts de marché, talonnée par la Chine qui en détient désormais 10, 9%.

Participation effective de la France à l’économie sénégalaise : Ide et fiscalité

En 2021, la France restait le 1er investisseur au Sénégal avec 43% des stocks d’Ide en sa possession, grâce à la présence de plus de 270 entreprises françaises implantées dans notre pays dont un peu moins d’une centaine de filiales françaises. Les entreprises françaises investissent dans différents secteurs : l’énergie, les infrastructures, les télécommunications et l’agriculture. Selon le média en ligne Novethic, la France représente 80% des investissements étrangers réalisés au Sénégal.

S’il est difficile de faire une répartition précise par secteur d’activités, les mines représentent un segment important des investissements français, avec notamment le géant des mines et de la métallurgie, Eramet, qui aurait investi 650 millions Usd dans notre pays depuis 2014. D’autres investisseurs importants sont visibles dans le secteur bancaire (Société Générale, Bnp), la grande distribution (Auchan), les télécommunications (Orange, Free) ou dans l’industrie (Vicat, Total Energies).

Concernant les recettes fiscales, objet de nombreux fantasmes, les fake news sur des multinationales qui ne paieraient pas l’impôt pullulent, notamment au moment où les enjeux fiscaux sont au-devant l’actualité politico-médiatique.
Thierno Thioune, économiste et directeur du Crea de l’université de Dakar, soulignait récemment : «Conformément au Code général des impôts du Sénégal, les entreprises françaises ayant une présence physique au Sénégal sont tenues de s’acquitter de leurs obligations fiscales au Sénégal. Cela inclut le paiement de tous les impôts locaux pertinents, notamment l’impôt sur les sociétés, la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva) et d’autres taxes indirectes.»

Un autre économiste, connu pour ses positions acerbes contre le franc Cfa et de manière globale sur nos relations avec la France, a embrayé dans le même sens et concédé auprès de l’Agence France Presse, en avril 2024, que le paiement des impôts au Sénégal par les entreprises étrangères et notamment françaises était un «fait établi».

L’économiste a rappelé par ailleurs que les impôts indirects, qui concernent donc les entreprises, restaient les principales sources de revenus fiscales de l’Etat sénégalais, ce qui a été confirmé par le ministère des Finances sur la stratégie nationale de mobilisation des recettes fiscales entre 2020 et 2025.
Du côté des investisseurs, des voix se sont élevées pour rétablir la vérité des faits. Les entreprises françaises disent payer «non seulement leurs impôts au Sénégal, mais déclarent leurs employés et paient leurs charges sociales ici au Sénégal». En outre, les 270 entreprises françaises présentes au Sénégal apportent une contribution majeure à l’économie sénégalaise, notamment à l’emploi formel avec 30 000 emplois directs, pour un chiffre global de 340 000 emplois formels au Sénégal.
En juin 2023, la filiale sénégalaise d’Auchan révélait avoir versé 23 milliards F Cfa d’impôts, droits et taxes à l’Etat en 2022.

La situation de l’aide bilatérale
La France est enfin le 1er bailleur bilatéral d’Aide publique au développement au Sénégal. Ce dernier fait partie des 19 pays prioritaires de la politique de développement de la France. Entre 2007 et 2024, l’Afd a engagé près de 2 milliards d’euros au Sénégal, «tous produits financiers et tous secteurs confondus». Son portefeuille est orienté vers des secteurs divers comme les infrastructures urbaines, l’agriculture, les énergies durables, l’eau-assainissement, la sécurité alimentaire, l’insertion professionnelle des jeunes, l’appui au secteur privé…

Le journal Le Quotidien avait rapporté en décembre 2022 que la France, à l’issue du Séminaire intergouvernemental franco-sénégalais de Paris, avait consenti un appui budgétaire de 100 milliards de F Cfa, par le biais de l’Afd, afin de permettre au Sénégal de faire face aux chocs issus de la pandémie du Covid-19 et de la guerre russo-ukrainienne. Paris avait aussi accepté de soutenir la réalisation du tronçon Diamniadio-Aibd du Train express régional, entre autres projets structurants. Loin des anathèmes, des manipulations grossières des réseaux sociaux et des procès d’intention, ces chiffres démontrent, si besoin en était, le caractère privilégié des relations entre la France et le Sénégal. L’exigence pour les nouvelles autorités sénégalaises est de conserver ce modèle de business conforme à l’esprit du partenariat gagnant-gagnant, pour enfin réaliser l’émergence, gage de croissance et d’emplois massifs.

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