Le sommet Corée du Sud-Afrique s’est ouvert ce mardi à Séoul. Il rassemble, plus précisément, 25 chefs d’Etas africains et des délégations de 48 pays africains. Cette rencontre, selon les organisateurs, a pour objet de redynamiser les relations politiques et économiques entre l’Afrique et Séoul. Et pour l’économiste international, professeur à l’Institut Supérieur de Gestion de Paris et ancien cadre de la Banque ouest africaine de développement (BOAD) Magaye Gaye, l’Afrique et la Corée du Sud doivent tisser des relations de coopération beaucoup plus dynamiques. Entretien.
A mon avis c’est un sommet bilatéral entre la Corée du Sud et les pays africains. Aujourd’hui, comme vous l’avez si bien dit, beaucoup de pays du continent, près de 48 pays ont effectué le voyage. Il y a 30 représentés par des chefs d’Etat et au plus haut niveau. Je pense que c’est une très bonne chose que la Corée et l’Afrique puissent véritablement tisser des relations de coopération.
La Corée du Sud et les pays africains n’entretiennent pas encore des relations assez denses en termes de commerce. Au niveau du commerce extérieur ça ne représente que 2% seulement. La deuxième chose c’est que la Corée a un important besoin par rapport aux matières premières locales. N’oublions pas que sur les 500 plus grandes entreprises mondiales, je dirai que la Corée du Sud en a placé au moins 15. La Corée du Sud dans les années 1960 n’exportent que des matières agricoles et des cheveux. Ils étaient tellement pauvres qu’ils coupaient leurs cheveux pour les exporter. Aujourd’hui, ils sont devenus la onzième puissance mondiale.
Depuis des années, les sommets se multiplient entre l’Afrique et pays développés de tous les continents. Mais jusqu’à ce jour les choses tardent à bouger au profit de notre continent?
C’est vrai que jusqu’à présent, on a assisté à des sommets qui n’ont rien donné. Les Etats Unis ont accordé l’ African Growth and Opportunity Act (Agoa) ou la Loi sur la Croissance et les Opportunités Economiques en Afrique, l’Union européenne, l’initiative tout sauf les armes. Mais l’Afrique n’en a pas beaucoup bénéficié parce qu’elle continue d’avoir des économies totalement en déconfiture. Ce sont des économies peu diversifiées caractérisées par des goulets d’étranglement en termes énergétique, au plan de l’environnement des affaires. Un rapport de la Commission économique pour l’Afrique avait montré que plus de 100 milliards de dollars par an sortaient de l’Afrique pour aller vers les paradis fiscaux.
Et que gagne le Sénégal dans sa coopération bilatérale avec la Corée?
En ce qui concerne le Sénégal il faut dire que la Corée a une représentation diplomatique à Dakar et elle aide beaucoup le Sénégal dans plusieurs domaines. Je me réfère, effectivement, à un investissement de quelques 48 milliards de FCFA qui avait été effectué pour aider le Sénégal à ériger des structures sanitaires dans le domaine de l’oncologie, contre le cancer.
Dans le domaine de l’agriculture aussi, il y’a eu des programmes qui ont été initiés pour permettre au Sénégal de pouvoir faciliter son programme d’autosuffisance en riz. Dans le domaine de la communication la Corée du Sud avait décidé d’aider l’Assemblée nationale pour lui permettre de renforcer un petit peu son système de retransmission de ses émissions. Il y’a l’agence coréenne de coopération internationale (Koica) (Korea International Cooperation Agency) qui est un organisme qui s’occupe de ces investissements au Sénégal.
La Corée a fait ce qu’elle devait faire dans le cadre de cette coopération en injectant beaucoup d’argent mais le problème est que ce financement n’a pas eu des impacts positifs pour des raisons que vous connaissez. Les israéliens avaient eu à aider le Sénégal dans le cadre des domaines agricoles, ils ont plié bagages parce que l’argent était apparemment détourné. Je pense qu’avec les nouveaux instruments coréens avec un certain nombre de leviers dont dispose la Corée du Sud la coopération peut être relancée dans le domaine des transports, dans le domaine agricole, particulièrement, dans la culture du riz, du blé et dans le domaine de l’agro-industrie parce qu’il faut que le Sénégal transforme ses matières premières.
Justement, où en est cette Commission mixte paritaire Corée du Sud-Sénégal?
Aujourd’hui la Corée devrait avoir des ambitions dans la production de gaz et de pétrole. Donc je souhaite que la Commission mixte paritaire Corée du Sud- Sénégal soit relancée pour que les deux parties puissent discuter véritablement de leurs approches en termes économiques. Et enfin je pense que l’Afrique en général pourrait tirer leçon de l’expérience réussie de la Corée. Il faut le rappeler cette expérience était basée sur trois leviers fondamentaux. La qualité du leadership cette qualité fondamentale où l’Afrique a souvent des problèmes. C’est en même temps l’industrialisation parce que la Corée a su très tôt qu’il fallait y aller suivant la théorie de l’envol et s’y est laissée progressivement.
Je penses que si le Sénégal arrive à faire tout cela, avec bien entendu, beaucoup d’éthiques dans les affaires le Sénégal et l’Afrique pourraient tirer les leçons de cette expérience réussie de la Corée.
Est-ce que le format donné à ces sommets Afrique et autres pays ne devrait pas être révisé? D’autant plus que c’est tout un continent qui va répondre à un seul pays?
Aujourd’hui, le problème est de savoir comment renverser la table dans le cadre de ces coopérations. Alors pour votre gouverne, je suis complètement hostile à ce type de sommet parce qu’un sommet ne doit pas réunir tout un continent avec un seul pays. Je disais que c’est vrai que l’Italie est parvenue à accepter que l’Afrique vienne à Milan discuter avec lui, ce qui est une hérésie. Alors qu’ un pays, comme le Nigeria, l’Afrique du Sud, c’est presque le même pays que l’Italie. Alors donc il y a un problème de symbole qui se pose, effectivement, au niveau de ces réunions là. Je disais même que peut-être bientôt on va assister à un sommet Bangladesh Afrique.
Mais je pense que pour changer de paradigmes il faut que ces pays là essaient d’appeler les Africains à davantage de responsabilités. Leur dire, voilà, écoutez nous sommes venus pour commercer, pour appuyer vos investissements. Mais il est bon quand même ce que nous vous donnons en termes d’emplois puisse être utilisé en termes de finances puisse être utilisé à bon escient. Je crois que c’est ça le problème avec les Africains. c’est où est-ce qu’on utilise affectivement cet argent.
Quelles opportunités, l’Afrique peut-elle tirée de sa coopération avec la Corée du Sud?
Je pense que la Corée du Sud a ouvert des brèches très intéressantes puisqu’ elle a décidé déjà d’augmenter son enveloppe de 100 milliards de FCFA en termes d’aide de développement. Elle a décidé en même temps d’augmenter son enveloppe d’investissement et d’exportation, pour faciliter les exportations africaines vers la Corée du Sud autour de 140, les 100 premiers milliards, c’est jusqu’à 2030.
Donc ça, c’est des opportunités qui sont là, sur lesquelles l’Afrique peut s’engouffrer pour développer les relations commerciales solides avec les Coréens. Ces derniers, Jusqu’à présent, ils s’intéressent pas à l’Afrique parce qu’ il y avait jusqu’en 88-89, comme vous le savez une guerre froide quelque part dans le monde. Et puis, il y’avait les problèmes entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Donc c’est vrai qu’en ce moment-là, les deux Corées rivalisaient sur le plan diplomatique et militaire en Afrique et aujourd’hui les vrais problèmes sont économiques.