Il xalame depuis un peu plus d’un demi-siècle. Il continue d’explorer la musique. Entre «retour aux sources» et célébration d’un génie qui a traversé les décennies, on a discuté du Xalam 2.
Il xalame depuis un peu plus d’un demi-siècle. Il continue d’explorer la musique. Entre «retour aux sources» et célébration d’un génie qui a traversé les décennies, on a discuté du Xalam 2.
Par Moussa Seck – Il n’y a pas de texte vraiment personnel. Tout ce qui se chante par le groupe est passé par relecture et validation par tous. Cette rigueur explique le succès des textes de cette bande de potes. Projection vidéo sur un mur du Centre culturel Douta Seck, explication faite par l’un d’eux, Dakar, un 21 juin de l’an 2024. De la même manière que chacune des cordes de ce luth sénégalais dit xalam participe à donner un sublime son d’ensemble, à Xalam 2 aussi, toutes les plumes participent à l’architecture du texte. Avant que tous les doigts, toutes les cordes vocales et toutes les sensibilités ne se mélangent en un rendu qui ravit. De ça, vit l’art de Xalam 2. Depuis plus d’un demi-siècle. Depuis 1969. Devoir de mémoire alors : au Centre culturel Douta Seck, le jour choisi étant celui de la Fête de la musique, on revisite 55 ans d’histoire dans un moment de «retour aux sources». Et comme pour coller au titre du nouvel album de la bande de potes… Saut en arrière, dans une capitale sénégalaise qu’ont connue des jeunes devenus aujourd’hui papys : «A l’époque de la création de Xalam, il y avait trois écoles, musicalement parlant. Il y avait l’école de feu Ibra Kassé qui a donné naissance à Youssou Ndour et tout le reste.» Mbalax. Binaire. Beaucoup de rythmes. «Puis, il y avait l’école du Super Diamono», en plus de celle dont il est question ce 21 juin. Ainsi Abdou Ba d’Agit’Art partitionne-t-il le Dakar musical, pour donner un aperçu de l’environnement qui a vu le Xalam distiller ses premières notes. Des notes du vingtième, on se remémore au vingt-et-unième siècle avec des voix qui font écho dans la salle qui accueille la conférence. Celle du journaliste Alioune Diop revêt quelque chose de particulier. Lourde, sans doute comme la musique que son magnétophone de voix repêche dans les souvenirs du témoin qu’il est. Le Xalam, pour lui, est «un groupe avec un caractère sonore exceptionnel». Et, «c’était le groove, le son lourd, les notes graves, y compris même dans la guitare». Le Xalam, pour lui, ce sont les langues locales, les groupes socio-ethniques du pays qui tissent de particulières sonorités une fois fois fini le travail d’alchimie de la bande de potes. «Originalité» alors, le trait caractéristique de ce Xalam joué par plusieurs langues et plusieurs influences.
Le Xalam n’est pas mythique qu’au Sénégal : son génie participera à donner plus de corps à des mythes musicaux des temps modernes. A côté des metalleux du groupe… Metallica, à côté du l’éclectique Bob Dylan et autres, à l’occasion des 25 ans du Festival de Woodstock, il y avait du «ayoo léelée», du «nay dëgër», du «mbasaa saay, ni saay, ni saay, ni saay», du «tawrasa gindang, tawrasa gindang Ibnou Mbaye»… quelque chose de sénégalais, d’ouest-africain et qu’un public d’ailleurs appréciait. Quelque chose qui, finalement, était universel. Est universel. Et à un rendez-vous du donner et du recevoir, il faut au préalable avoir pour prétendre au don…
«Voilà, c’est ça qu’il nous fallait»
Un tel principe a depuis longtemps été compris par ce qui deviendra avec le temps un baobab indéboulonnable de la musique au Sénégal. Abdou Ba. Rembobinage. 1968. «La philosophie d’un retour vers notre propre culture avait envahi tous les segments de la société sénégalaise et le groupe Xalam s’engouffra sans attendre dans cette fouille de notre patrimoine musical (…)», et s’est ainsi fait l’écho musical de l’approche enracinement-ouverture de Senghor. Fouille, a dit Abdou, exploration a-t-il en outre exposé. Aussi, si le Xalam a réussi à se constituer un répertoire qui subjuguera Walt Disney et les Rolling Stones, c’est qu’il a, dans son Adn, solidement inscrit le refus des cases. Le groupe a captivé l’attention sur plusieurs prestigieuses scènes à travers le monde. Il a aussi captivé l’attention et indiqué une direction… à des plus jeunes qui rêvaient musique sur les bancs de l’école. «A l’époque, nous étions de jeunes écoliers et on avait des groupes qui faisaient autre chose. Et c’était vraiment un bouillonnement sur le plan intellectuel, on était des jeunes qui voulaient changer le monde, on était des révolutionnaires.» Un homme sur le panel décrit un poing bien désolé en disant les précédentes phrases. Moustapha Diop, son nom. «On se disait qu’il fallait une musique qui reflète vraiment nos cultures, qui représente les différentes ethnies. On voulait s’affirmer, on voulait vraiment faire une musique qui était la nôtre.» «A l’époque» déjà, les «grands» xalamaient. Ils apportaient la révélation aux petits qui, les voyant dérouler, se disaient : «Voilà, c’est ça qu’il nous fallait.» Moustapha replonge dans l’ambiance de ces mélodies autres que celles salsa. Dans l’ambiance de ces chants avec des mélodies claires, structurées. «Et c’était vraiment inspirant.» L’une des choses que M. Diop aura apprises de ceux-là qu’il vénérait avec ses amis, est l’exigence de virtuosité. N’être pas dans la demi-mesure : travailler l’instrument ! Dans son oreille d’ailleurs, se rejoue encore et au moment du témoignage, un solo de Samba Yigo Dieng. Xalam 2, 55 ans de musique, devoir de mémoire : certes ! Xalam 2, plus d’un demi-siècle d’exploration musicale, devoir de transmission : oui, on veut ! Lui, veut : Moustapha Diop du groupe Jàmm, qui a reçu des grands, qui est devenu grand, demande aux grands de penser aux petits d’aujourd’hui pour demain. Xalam 3…