POLITIQUE
Législatives : les patrons des TPE en plein désarroi face à l’incertitude politique
La dissolution de l’Assemblée nationale a plombé le moral des chefs d’entreprise de 8 points entre avril et juin, selon un baromètre IFOP pour Fiducial. Face au risque d’instabilité politique, la confiance à l’égard du chef de l’Etat Emmanuel Macron n’a cessé de chuter depuis 2017. Angoissés, les patrons de petites entreprises expriment une hausse des difficultés financières et sont plus nombreux à redouter le dépôt de bilan.
Les nuages s’accumulent au-dessus de l’économie française. Après l’électrochoc de la dissolution, les entreprises et les ménages sont toujours plongés dans un épais brouillard. Et le résultat du premier tour des élections législatives est loin de dissiper les inquiétudes dans les milieux économiques. Arrivé en tête du premier tour du scrutin, le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella espère gagner un maximum de sièges à l’Assemblée nationale pour former une majorité absolue. En face, les forces politiques peinent à s’entendre pour former un « barrage républicain ».
À quelques jours du second tour des élections législatives, l’angoisse gagne du terrain compte tenu des incertitudes qui planent au-dessus de la situation politique française. Bousculés par l’annonce tonitruante de la dissolution, beaucoup de chefs d’entreprise s’interrogent sur les perspectives économiques et politiques de l’Hexagone après cette campagne éclair. Témoin de ce malaise, la difficulté du patronat à s’exprimer sur les programmes économiques des trois grands blocs en lice.
La dissolution plombe le moral des dirigeants de TPE
Interrogés au mois de juin par l’institut de sondages Ifop pour Fiducial, 71% des dirigeants de TPE sont pessimistes sur le climat général des affaires en France. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis le troisième trimestre 2023. Et sur ce total, 29% se déclarent même très pessimistes. À l’opposé, seuls 28% sont optimistes sur la conjoncture actuelle. «Sur le climat général des affaires, l’optimisme se dégrade de 8 points entre avant et après la dissolution. Il y a un décalage après la période de dissolution », déclare Flora Baumlin, directrice d’études au département opinion chez Ifop. Ce niveau de pessimisme montre que les cercles patronaux sont en plein désarroi face aux risques de panique financière. En annonçant la dissolution du Palais Bourbon, Emmanuel Macron a plongé un grand nombre de patrons dans une situation particulièrement délicate.
« En revanche, il y a un regain d’optimisme sur leur niveau d’activité paradoxalement ». Comment expliquer cette contradiction ? Ce paradoxe « peut s’expliquer par une possible préoccupation plus grande pour l’avenir politique du pays, reléguant au second plan les préoccupations concernant sa propre activité – ou bien par l’anticipation que la crise politique pourrait avoir pour conséquence immédiate un « moratoire » sur l’activité économique ».
La confiance à l’égard d’Emmanuel Macron est certes stable mais au plus bas
Plébiscité par les milieux dirigeants en 2017, le chef de l’Etat est en perte de vitesse chez les patrons de TPE. Le niveau de confiance à l’égard de la politique économique d’Emmanuel Macron n’a quasiment pas bougé entre avril et juin 2024. « Le premier indicateur important est que la confiance des chefs d’entreprise dans l’action d’Emmanuel Macron est très stable . Il n’y a pas de dégringolade sur les mesures économiques annoncées», souligne Flora Baumlin.
Mais derrière cette surprenante stabilité, la confiance sur le long terme n’a cessé de s’éroder passant de 54 points en juillet 2017 à 32 points en juin. Par taille d’entreprises, ce sont principalement les plus petites à faire moins confiance aux chefs de l’Etat. A l’opposé, les entreprises de plus de 10 salariés accordent plus de crédit au président de la République.
Les difficultés financières augmentent chez les TPE
En ligne avec ce pessimisme, les craintes sur les difficultés financières se propagent à toute vitesse. La proportion de TPE se déclarant en difficultés financières a gagné 4 points par rapport à avril, se situant à 37% contre 33% au printemps. Parmi les plus menacées, figurent en premier lieu les entreprises dans l’hôtellerie (27%), puis les services aux entreprises (23%), l’industrie (19%) et le commerce (19%). A l’opposé, les entreprises dans la santé et l’action sociale (10%) ou encore les services aux particuliers (12%) s’en sortent mieux.
Pressées par l’inflation et le resserrement drastique de la politique monétaire de la BCE, les petites entreprises tricolores ont subi de plein fouet les récentes crises (pandémie, guerre en Ukraine, crise de l’énergie). Le gouvernement avait certes soutenu le tissu productif avec les mesures du « quoi qu’il en coûte » et le bouclier tarifaire pour limiter l’impact de l’envolée des prix de l’énergie sur les entreprises. Mais le resserrement de la politique budgétaire a mis sous pression les plus petites sociétés asphyxiées par le durcissement des conditions financières.
Dépôt de bilan : explosion des inquiétudes
L’autre résultat important de cette enquête est les craintes de dépôt de bilan ont bondi. « Il y a une explosion des entreprises qui pensent qu’elles vont être contraintes de déposer le bilan. Il y a un gain de 15 points. C’est un niveau jamais enregistré », explique Flora Baumlin.
Au total, la moitié des dirigeants ayant des difficultés financières, assez voire très importantes pourrait être contraints de déposer le bilan ou de cesser leur activité contre 35% au mois d’avril. Sur ce total, un quart anticipe de mettre la clé sous la porte dans les six mois. Et 16% dans un horizon de six mois. Une perspective qui risque de faire bondir le chômage dans les années à venir.Méthode : L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1.005 dirigeants de très petites entreprises (TPE) de 0 à 19 salariés. Les entreprises réalisant moins de 50 000 euros de chiffres d’affaires à l’année n’ont pas été interrogées dans le cadre de cette étude. En revanche, celle-ci inclut les auto-entrepreneurs. L’échantillon a été raisonné puis ramené à son poids réel lors du traitement sur les critères suivants : secteur d’activité de l’entreprise, taille de l’entreprise, région d’implantation.