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SERIGNE NGUNDU», L’OFFENSE SUPRÊME DU PREMIER MINISTRE AU CHEF DE L’ÉTAT » (MADIAMBAL DIAGNE)

Ousmane Sonko avait pourtant annoncé la couleur, déclarant urbi et orbi, qu’il n’a «pas de compte à rendre ni aux journalistes ni aux hommes politiques». Nous lui avions souligné, que «c’est gouverner par l’arrogance». Ce ne devait donc guère être une surprise, qu’il refuse de se rendre devant les députés pour une Déclaration de politique générale (Dpg). Seulement, il avait annoncé en Conseil des ministres, le 5 juin 2024, se préparer à cet exercice. D’ailleurs, avait-il déjà adressé une circulaire, en date du 16 mai 2024, pour intimer l’ordre aux membres de son gouvernement de lui faire parvenir, au plus tard le 24 mai 2024, leurs contributions au document qui servira de base à cet exercice. Finalement, le Premier ministre a trouvé l’alibi le plus farfelu, pour ne pas aller devant l’Assemblée nationale, une formalité institutionnelle prévue par l’article 55 de la Constitution.

Le «faux» n’est pas de l’Assemblée nationale mais du Premier ministre qui veut la substituer par un cénacle qu’il se choisit
En intelligence avec le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (Yaw), il a trouvé le prétexte que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale serait imparfait. Il feint d’oublier que, quelles que pourraient être les imperfections du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la hiérarchie des normes juridiques met le texte constitutionnel au-dessus de la Loi organique portant règlement intérieur.

Tout étudiant de première année de sciences juridiques sait cela. Ne pas satisfaire à cette Dpg est une violation effective de la Constitution. Comble de désinvolture ou de grossièreté, Ousmane Sonko a préconisé faire une Dpg devant un jury qu’il aura sélectionné. Substituer un cénacle choisi par un Premier ministre aux députés élus par le Peuple, n’est ni plus ni moins qu’un coup d’État institutionnel. Il assure pouvoir trouver «des personnalités de meilleure qualité que ces actuels députés». Guy Marius Sagna appréciera.

Toutes choses égales par ailleurs, ce serait comme si le président de la République s’installait sans prêter le serment constitutionnel ou qu’il le prêterait devant l’Imam du quartier et ses «naïms» et muezzins, en lieu et place du Conseil constitutionnel. Et les députés de Yaw sont si incohérents qu’ils cautionnent le refus d’une Dpg devant cette Assemblée nationale et continuent pourtant de participer aux travaux de cette institution. Ils oublient aussi que sur la base du même règlement intérieur, le Premier ministre Amadou Ba avait effectué une Dpg, à l’issue de laquelle, ce même groupe parlementaire, dirigé par Birame Souleye Diop, avait déposé une motion de censure qui avait été examinée, le 15 décembre 2024.

La Dpg est un acte si important dans le fonctionnement régulier des institutions, qu’elle constitue une bonne occasion pour le gouvernement de renforcer sa légitimité devant la représentation nationale, par le truchement d’une demande d’un vote de confiance. De même que l’opposition aura la latitude de déposer une motion de censure. Ousmane Sonko avait la frousse d’aller vers les députés et pour cause. Cet exercice est sérieux et ne saurait être fait dans le dilettantisme. Le Premier ministre est désarmé, d’autant que le fameux Projet qu’il avait vendu aux électeurs se révèle être une chimère.

Il n’est pas encore en mesure de décliner des axes de son action à la tête du gouvernement ; à moins qu’il ne soit un Premier ministre qui avoue, sans états d’âme, être le continuateur de ce que faisait Macky Sall. Le Premier ministre mesure bien ses limites techniques et sa méconnaissance des dossiers de l’État, pour ne pas pouvoir, dans un feu roulant d’interpellations publiques devant les caméras, tenir la dragée haute sur la marche de l’État.

Le spectre de la motion de censure et de la Var
Il redoutait fort le dépôt d’une motion de censure que préparaient activement les députés de Benno Bokk Yaakaar (Bby). Une majorité devrait être réunie pour censurer le gouvernement. Le Premier ministre Sonko, flairant le coup et n’étant pas trop assuré de sa reconduction, le cas échéant, n’a pas osé courir le risque. Cela révèle, s’il en est encore besoin, que l’homme n’a cure du respect des institutions et de leur fonctionnement régulier. Par ailleurs, qui pouvait croire qu’Ousmane Sonko, irait se mettre devant 165 députés dont une majorité hostile ?

Lui qui n’avait pas eu le courage de répondre aux convocations de la petite Adji Sarr qui l’accuse de sévices sexuels ; lui qui a préféré appeler des milliers de jeunes au «Mortal Kombat» pour s’éviter toute confrontation devant la Justice. Qui pouvait croire que, celui qui avait appelé son monde à lui servir de bouclier pour ne pas répondre à un procès en diffamation que lui avait intenté le ministre Mame Mbaye Niang, pouvait aller devant un parlement hostile ? Des dizaines de morts ramassés !

Qui pouvait croire que l’orgueil d’Ousmane Sonko serait fouetté, lui qui avait refusé d’être confronté à Mamadou Mamour Diallo, dans le cadre d’une Commission d‘enquête parlementaire sur l’affaire des accusations de détournements de 94 milliards qu’il avait portées contre l’ancien Directeur des Domaines ? Ousmane Sonko, député de son état, avait lui-même demandé la mise en place de la Commission d‘enquête parlementaire. Pour ensuite se débiner ! Ousmane Sonko, emprisonné durant six mois pour ses appels à l’insurrection, a passé son temps à pleurnicher et à simuler des maladies, des empoisonnements et des hospitalisations.

Ses deux épouses ont même volé à son secours pour implorer l’intercession de l’épouse du Président Macky Sall, à qui il n’aura épargné aucune insanité. Pourtant, Bassirou Diomaye Faye a enduré ses 11 mois d’emprisonnement, sans un soupir. Monsieur Sonko avait-il assez de cran pour, après sa sortie de prison, vivre avec Adji Sarr dans le même pays ? Allez savoir s’il n’a pas pris la précaution, dans le «Protocole du Cap Manuel», d’organiser l’exil d’Adji Sarr.

Ousmane Sonko finit par se cacher derrière les députés. Ayib Daffé peut s’autoriser de dire que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale est un «faux» alors qu’il a été élu, il n’y a guère quelques semaines, Président du groupe parlementaire Yaw sur la foi de ce même texte qui n’était pas un «faux» quand il servait à voter une loi d’amnistie en faveur des fauteurs de troubles de Pastef. «Il y a des gens qui observent les règles de l’honneur, comme on observe les étoiles, de très loin» (Victor Hugo).

Gatsa-Gatsa (vulgaire appellation de la loi du Talion en Wolof), retour de boomerang

On n’a eu de cesse de dire qu’Ousmane Sonko n’a pas de retenue et ne sait pas s’arrêter et qu’à «chaque pas que vous reculerez, Ousmane Sonko et ses affidés avanceront de deux pas pour piétiner l’État de droit» (5 juin 2023). Il sera le seul Premier ministre au monde à refuser d’aller devant le Parlement. De guerre lasse, le groupe parlementaire de Bby a décidé de laver l’affront et de quelle manière. Ils ont deux résolutions fatales au gouvernement. C’est déposer une motion de censure et faire adopter une loi enlevant au président de la République, tout pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale.

La réponse sera foudroyante car, on peut augurer que la jonction annoncée de Benno avec des députés de Yaw va, à coup sûr, donner aux contempteurs du Premier ministre une majorité suffisante pour faire passer les lois préconisées. L’humiliation pour Ousmane Sonko risque de venir de son propre parti Pastef. Les nombreux députés qui avaient été élus à la faveur du fait que lors des élections législatives de 2022, la liste des candidats titulaires de Yaw avait été annulée, sont conscients de ne pas être investis comme titulaires à de prochaines élections législatives anticipées.

Il les trouve illégitimes et ne cesse de snober ces «usurpateurs, députés de Macky Sall». La dissolution était annoncée pour intervenir le plus tôt possible et les députés trouvent alors, en cette crise, une aubaine pour «bétonner» leur mandat. Ils ont donc tout intérêt à participer à toutes actions qui préserveraient leur mandat de député, jusqu’au terme de la législature prévu pour 2027. Pour commencer, le Débat d’orientation budgétaire de ce 29 juin 2024 a été annulé. Ousmane Sonko, par sa bravade ou sa fuite en avant, va se faire hara-kiri et perdre sur tous les tableaux car non seulement il ne pourra pas empêcher la motion de censure mais aussi, il se verra priver de toute possibilité de conquérir une nouvelle majorité parlementaire dans le court terme.

Il s’y ajoute que dans un tel contexte de crise politique, il apparaît aux yeux de tout le monde comme étant le facteur provocateur de la crise par son attitude et que le Président Bassirou Diomaye Faye serait enclin à ne pas le reconduire en cas de censure du gouvernement. On comprend dès lors, qu’il ait béni la médiation entreprise par des personnalités de la Société civile, pour tenter d’apaiser la crise politique. Le chef de l’État risque de finir par se sentir obligé de se séparer du Premier ministre, à moins qu’il ne choisisse de vivre et de mourir avec lui. Au demeurant, il est «le garant du fonctionnement régulier des institutions».

«Serigne ngundu», l’offense suprême du Premier ministre au Chef de l’État
Que peut-on encore apprendre du degré d’effronterie et les écarts de langage des hommes politiques, depuis que les leaders de Pastef tiennent les micros ? Opposant, Ousmane Sonko a toujours parlé comme tout le monde l’aurait interdit à ses propres enfants. Si on apprend aux plus jeunes à ne jamais dire de gros mots, il faudrait peut-être lui étendre la consigne. Dans tous les corps sociaux, Ousmane Sonko s’en prenait systématiquement et avec férocité à l’élite la plus représentative. Il ne s’interdit aucun mot de trop. Sans doute qu’il ne pensait pas que ses propres armes lui seront retournées et surtout que la Var permettra de lui faire réentendre ce qu’il a pu dire des autres et qu’il abhorrerait entendre dire de lui-même. Devenu Premier ministre, il ne s’est pas assagi pour autant et la moutarde lui monte au nez.

Cela a empiré peut-on dire, car sa position et ses responsabilités au niveau de l’appareil d’État amplifient la gravité de ses déclarations, faits et gestes. Un Premier ministre qui s’est permis, sans aucun égard pour le principe de la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif, le pouvoir judiciaire et le Parlement, de rassembler ses partisans sur l’esplanade du Grand Théâtre à Dakar, le 9 juin 2024, pour leur dire sa volonté de « balayer la Justice des mauvais magistrats» et dans son élan, accuser publiquement le Président du Conseil constitutionnel de corruption.

Il a commis la gaffe de révéler ses échanges avec le ministre de la Justice sur l’attitude à tenir, quant à des procédures judiciaires concernant des militants de son parti Pastef. Il apparaît inconvenant d’étaler sur la place publique des instructions ou injonctions qu’un Premier ministre donne à son ministre de la justice. Mais le ministre Ousmane Diagne, a le tort de passer pour être crédité d’une certaine respectabilité alors qu’Ousmane Sonko ne saurait souffrir qu’une étoile brille à côté de la sienne. «L’arrogance est l’âme sœur de la bêtise». Un Premier ministre qui s’autorise à juger de la qualité des magistrats et des députés !

Qui n’a pas été embarrassé de voir le Premier ministre, dans des réunions, prêter plus d’attention à son téléphone portable qu’au président de la République ? Plus grave, on l’a entendu parler du Président Faye avec une désinvolture qui frise la ridiculisation ! Ousmane Sonko s’est publiquement payé la tête du Président Bassirou Diomaye Faye, en se gaussant de lui, dans une hilarité générale, lui collant le sobriquet «Serigne ngundu». C’est le nom d’un vulgaire personnage comique dont la décence pousse à taire les travers. Ousmane Sonko a fait cette vacherie, dans le but, dit-il, de montrer une proximité, une relation d‘amitié avec l’homme Bassirou Diomaye Faye.

C’est bien méconnaître les postures entre les responsabilités au niveau de l’État et les relations dans la vie sociale. Mais pour ceux qui connaissent l’étymologie du sobriquet «Serigne ngundu», l’affront est répugnant. En effet, le «Serigne ngundu» est, dans les «daaras», ces foyers traditionnels d’enseignement coranique, le précepteur qui est moins instruit que ses disciples ; le maitre coranique gagné par le crétinisme. Si Ousmane Sonko ignorait la portée de ce petit nom, il doit désormais s’en excuser auprès du Président de la république, Bassirou Diomaye Faye, auprès de ses épouses et des enfants du Chef de l’État, mais aussi auprès de tout Sénégalais. Il ne saurait être acceptable de traiter de la sorte le premier des Sénégalais. C’est une insulte, une offense. Le Premier ministre se trouve désormais le plus mal placé pour s’offusquer d’une quelconque offense faite au chef de l’État (article 234 du Code pénal) !

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