«La santé mentale correspond à un état de bien-être mental qui nous permet d’affronter les sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté.» Définition du site de l’Oms.Par Moussa SECK –
«Nous sommes très bien habillés. Ce n’est pas pour autant que nous n’avons pas de problème de santé mentale.» Le ciel du 10 octobre et gris et pluvieux, comme s’il voulait participer à la discussion. Gris ciel et peut-être au gris, la santé mentale de certains venus écouter le Dr Ibrahima Pierre Louis Giroux. Une modeste communauté, dans une salle de Dakar. Communauté, précisément : «c’est la communauté qui soigne, parce que c’est elle qui rend malade», formule le médecin, qui est l’un des intervenants des panels organisés autour de la santé mentale non médicale. «C’est la famille qui soigne», «c’est le couple qui se soigne», «une bonne spiritualité, ça vous donne les ressources psychologiques qu’il faut pour que vous fassiez face à l’adversité qui est intimement liée à l’existence et à la condition humaine», «des relations saines jouent comme des barrières qui sont dans la prévention à distance contre les chutes parce que les problèmes font partie intégrante de notre condition…». Nombreuses, les formules de M. Giroux…
Nombreux, aussi, les lieux de la société à interactions d’où l’on peut ressortir avec un mal mental. La société, autrement dite boîte, par exemple. Cet endroit qui peut prendre l’allure d’un «ring», pour reprendre le Pr Djiby Diakhaté. Où, dans des conditions de compétition, on peut être appelé à donner et à recevoir des coups. Cet endroit, a donné en exemple M. Diakhaté, peut impacter la santé mentale des travailleurs. Mais, son intervention n’a pas été que pour indiquer une ruche d’abeilles : elle a aussi été pour prémunir des piqûres. Le service des ressources humaines ne devrait pas être que pour calculer retards et absences, distribuer salaires et autres. «Ce serait important que ce service-là prenne en charge ou intègre des dimensions psychologiques.» Le sociologue de souligner que «puisqu’on parle de ressources humaines, on a besoin d’un accompagnement constant de ces travailleurs-là pour qu’au fond, ils se présentent comme une famille. Ce que Michel Lannoye appelle la vie sociale dans l’entreprise». Etre, alors M. Djiby Diakhaté, dans le préventif et non dans le curatif : «Eviter les craintes, parce qu’en réalité, s’il n’y a pas cet espace de valeurs partagées, s’il n’y a pas un idéal partagé, l’entreprise risque de devenir un ring.»
«Je voulais me suicider parce que…»
Le débat sur la santé mentale concerne ainsi les adultes en âge de travailler. Ce qui ne saurait signifier que les plus petits en sont exclus. «Les parents doivent avoir les bonnes informations sur le développement émotionnel et cognitif des enfants», parce que «ces informations leur permettront de connaître à différentes étapes de la vie, comment les enfants sont susceptibles de se comporter et surtout comment les parents peuvent interagir avec eux de manière appropriée». Aussi, «la qualité de ces interactions va fortement influencer l’état psycho-physiologique, l’état moral des enfants et des adolescents, et prévenir les problèmes de santé mentale», a rajouté Dr Ibrahima Pierre Louis Giroux. Ce qui précède est très sérieux. «Un adolescent se suicide toutes les 11 minutes dans le monde», selon un rapport des Nations unies cité par le Dr. Un ado qui se suicide ? Truc de toubabs ! De toutes les façons, ces histoires de santé mentale et de psychologues sont des trucs de toubabs ! Ces dires sont des clichés. Et, oui, les enfants de ce pays pensent au suicide et non, la question de la santé mentale étant d’Est et d’Ouest, du Nord et du Sud, noire et blanche, japonaise et malgache. «Là, tout récemment, j’ai reçu un jeune garçon de 12 ans qui m’a dit qu’il a failli sauter de l’immeuble de son école.» Qui a confessé : «Je voulais me suicider parce que je pense que c’était la meilleure chose pour moi.» Mme Khadidiatou Konaré Dembélé fait ainsi cette grise révélation. L’enfant mange, on lui donne à boire, il s’amuse et va à l’école… ! Ça suffit
Ça ne suffit pas, selon la dame, qui reçoit, parle avec et aide des gens à la santé mentale pas au vert. «La dynamique familiale, très souvent, a un gros impact sur ce qui se joue avec cet enfant qui va vivre des malaises qu’il n’ose pas exprimer…»
Contre la sous-priorisation. Pour l’approche commmunautaire.
«La plupart des Etats abordent la question de la santé mentale sous l’angle médical et souvent médicamenteux, bien que les orientations scientifiques et thérapeutiques proposent un choix différent.
Le Sénégal n’a malheureusement pas échappé à cette réalité, et l’offre de services de santé mentale fait face à plusieurs défis dont les plus critiques sont la sous-priorisation politique, la faiblesse en conséquence des ressources humaines, techniques et financières, l’impossibilité pratique et matérielle de prendre en charge des pans de la population.» Ainsi s’est exprimée Mame Fatou Diop, présidente et fondatrice de Wéeru Waay Center qui a organisé la rencontre en cette journée mondiale dédiée à la santé mentale. Son idée trouvera écho chez Ibrahima Pierre Louis Giroux qui soutient «qu’au Sénégal, la santé mentale a besoin d’un soutien politique prioritaire et d’un repositionnement institutionnel, pour ne pas répéter la même erreur commise pendant le Covid-19 en adoptant une approche exclusivement médicale de la pandémie. Il importe que le gouvernement s’inspire des connaissances scientifiques de l’heure et de repenser la santé mentale sous l’angle moins sophistiqué qu’offre le bien-être plutôt que de la psychiatrie, et suivant une approche plutôt communautaire que basée sur les services».
Le représentant du ministère de la Santé aura entendu, lui qui a même demandé une note de synthèse des panels qui veulent aider à teindre d’une couleur plus gaie les esprits et cœurs colonisés par le gris…