SOCIETE
Grands projets de l’État : Diass réduite en peau de chagrin
La commune de Diass ne veut pas que ses terres fassent l’objet de «saucissonnage». Pour dénoncer leur accaparement par l’Etat, les forces vives de la commune de Diass étaient dans les rues pour manifester leur désaccord et afficher leur désarroi. Elles rejettent le projet du Pôle urbain Dagga-Kholpa, demandent l’augmentation des barèmes des impenses et le recul des limites du Port de Ndayane. Elles veulent aussi une autre expertise tripartite sur les limites du port, conformément au décret d’utilité publique n°2021-19 pour une superficie de 1200 ha.
Par Alioune Badara CISS – Par sa position géographique, la commune de Diass abrite presque les deux tiers des grands projets du Plan Sénégal émergent (Pse). Beaucoup d’investissements de l’Etat sont dans cette zone qui ne cesse de voir son périmètre se rétrécir comme peau de chagrin. Une situation qui irrite les populations qui n’ont plus d’espace pour l’extension de leur village. Pour protester contre cet accaparement, les forces vives de la commune de Diass ont, à travers une marche pacifique, dénoncé le saucissonnage de leurs terres. D’ailleurs, le porte-parole des Diassois, Moussa Diouf, a comparé leur commune à un gâteau qui fait l’objet de partage. «Une importante partie des terres de la commune de Diass est occupée par les projets de l’Etat : l’Aéroport Blaise Diagne de Diass (4 mille 500 hectares déjà clôturés dont 80% dans la commune de Diass) et 4 mille autres hectares bloqués par l’Aibd comme zone de sauvegarde. Ce qui fait un total de 8 mille 500 hectares pour l’aéroport, la Zone économique spéciale intégrée (718 ha), une grande partie du futur Port de Ndayane (800 ha), le site des Gros porteurs (61 ha), la centrale photovoltaïque de Kawsara (40 ha), la centrale électrique (9, 5 ha), etc. Des entreprises privées occupent aussi de vastes portions de nos terres, notamment la Siagro (plus de 20 ha), Van Oers Sénégal (plus de 1000 hectares), plus de 20 carrières qui occupent à elles seules plus de 2 mille hectares…», se désole le porte-parole des forces vives de Diass. En organisant cette marche, qui a enregistré des centaines de manifestants, les résidents de Diass pensent à leur avenir.
Addition d’hectares à l’infini
Avec ces projets qui ont un impact économique réel dans la zone, la commune est aussi privée de toute possibilité d’extension pour satisfaire la demande de logement de ses administrés, sans compter les potentielles activités agricoles en voie de disparition. «Ce projet est implanté dans une commune vaste de 106 km2, avec une population de plus de 60 mille habitants. Ce projet a accentué notre désarroi. Le Pôle urbain Dagga-Kholpa entraînera l’expropriation et la perte de moyens de subsistance de beaucoup de paysans et d’éleveurs. La survie de centaines de familles dépend de l’exploitation de ces terres. En outre, ce projet de pôle urbain est une menace pour notre communauté, pour ses valeurs culturelles et identitaires (son identité, sa langue, ses us et coutumes, etc.). Bref, le Pôle Urbain Dagga-Kholpa risque de déstructurer notre unité sociale et de compromettre son patrimoine social, culturel et cultuel», enchaîne le porte-parole des forces vives de Diass.
En plus de l’accaparement, il y a aussi les risques environnementaux, notamment l’inondation, qui pèsent sur les populations. «L’importance des eaux de ruissellement dans la zone entraînera forcément des risques d’inondations dans les villages traditionnels et dans la commune de Diass en général», s’inquiètent les manifestants.
Quid de l’érection du Port de Ndayane ? «Nous l’accueillons avec plaisir, avec citoyenneté, un esprit républicain et patriotique, malgré toutes les surprises qu’il a causées. Le port a semé dans le cœur et l’esprit des populations, le doute, la désolation, l’instabilité et l’angoisse», dit-il. En dépit de leur adhésion au projet, elles demandent une autre expertise tripartite sur les limites du port, conformément au décret d’utilité publique n°2021-19. Pour elles, elles sont excessives. «Nous nous confrontons aux limites élastiques du projet qui a englouti toutes nos terres d’exploitation familiale. Nous réclamons un recul des limites excessives du port. Nous nous opposons aux recensements abusifs qui n’ont enregistré que des champs inconnus au nom de personnes illégitimes, alors que tous les champs ont des propriétaires. Nous demandons une restitution immédiate de ces terrains aux ayants droit», écrivent les forces vives de Diass.
Par ailleurs, elles dénoncent aussi les barèmes des indemnisations. «Ils sont très dérisoires», notent-elles. «Suite au communiqué du Préfet à la date du 21 décembre 2022 sur les conciliations, des impactés se sont rendus à la Préfecture de Mbour à notre grande surprise. Et on nous a proposé comme indemnisation des terrains de 225 m2 à 200 mille F. Ce qui est inacceptable. Nous déplorons la non-implication des villages concernés sur l’étude d’impact environnemental et social. En guise de rappel, nous avons envoyé une demande d’audience accompagnée d’un mémorandum au maire et au Préfet de Mbour pour discuter de cette situation, mais jusque-là on n’a pas de réponse», se désole M. Diouf. Même si elles admettent que le Port de Ndayane est un projet d’envergure, les forces vives de Diass espèrent un recrutement et la formation de leurs jeunes dans les formations relatives aux métiers portuaires.