Du Sénégal au Nicaragua pour entrer clandestinement aux Etats-Unis par voie terrestre … Cette nouvelle forme de migration, aussi risquée que les embarcations de fortune, fait fureur chez les jeunes en quête de vie meilleure. Bés bi s’est intéressé à la face cachée de ce phénomène
Sur la blogosphère, notamment TikTok, les récits autour de cette tendance migratoire sont viraux. Sous le hashtag Nicaragua, pourtant un pays pauvre de l’Amérique latine, s’abat une salve de cliques et de commentaires sur les vidéos de témoignages qui défilent à longueur de journée. Le reste de la promotion sonne dans l’évocation de la destination finale : les Etats-Unis. Et le rêve d’une vie paradisiaque est vendu !
La trentaine, fraichement entré, clandestinement, aux Etats-Unis via le Nicaragua puis la frontière mexicaine, c’est par des images d’une vie de pacha qu’Idrissa Mboup fait fantasmer ses 17 mille « followers ». Tantôt, c’est dans une somptueuse villa aux meubles lumineux qu’il expose sa nouvelle vie. Tantôt, c’est dans une piscine, en compagnie de ses amis, qu’il baigne dans le luxe. Plus tard, par le biais d’une autre vidéo, il s’affiche dans la peau d’un migrant reconverti en guide des candidats au voyage à qui il partage son expérience du périple clandestin. « Chaque jour, je reçois plus de cent questions sur l’affaire Nicaragua. Le dernier à qui j’ai indiqué la voie à suivre est actuellement dans un hôtel aux Etats-Unis où il est pris en charge par les services de l’immigration. Il va ensuite regagner New York. Donc, que les gens arrêtent de dire que les frontières sont fermées ou que tout migrant qui arrive va être automatiquement refoulé du territoire ! », s’est-il exclamé, attirant, dans la foulée de son post, des centaines de jeunes prêts à tenter l’aventure.
Interpellé de toutes parts, le jeune migrant, entré au pays de l’Oncle Sam au péril de sa vie, revient avec plus de détails sur le trajet. « Rendez-vous tous sur la plateforme Air Iberia. Les billets d’avion sont disponibles. Le ticket tourne autour de 1 millions 500 mille francs. Le trajet sera comme suit : Dakar-Madrid, Madrid-Guatemala, puis le Salvador, ensuite le Nicaragua. Tout candidat qui ne sait pas comment acheter le billet d’avion en ligne peut me contacter par message. Je lui indiquerai, gratuitement, la voie à suivre », conseille-t-il.
Une traversée de l’enfer au paradis
A l’image de Mboup, Mohamed Sall, entré aux Etats-Unis il y a juste 3 semaines, est passé par la voie terrestre une fois que son vol a foulé le sol du Nicaragua. Résidant actuellement en Californie avec l’espoir d’une vie épanouie, il a dû vivre l’enfer le long de sa route en traversant clandestinement l’Amérique. Pour aller au Nicaragua, narre-t-il, je suis parti en Mauritanie avec un de mes amis. « Nous avons fait escale à Tunis pour ensuite traverser deux pays avant d’arriver à notre première destination : le Nicaragua. Et c’est à partir de là que tout a changé. Il n’y avait plus de confort ni de quiétude encore moins de repos. Alors que nous pensions atteindre les Etats-Unis une fois cette étape franchie, les passeurs de migrants sont venus nous faire comprendre que nous étions loin du Mexique. Il fallait débourser encore de l’argent pour continuer le trajet dans des cars », retrace notre interlocuteur depuis les Etats-Unis.
« En route, nous avons été bastonnés par des Mexicains »
« Au Mexique, avant de franchir la zone frontalière avec les Etats-Unis, nous avons subi toutes sortes de rackets et de tortures. Une fois, en cours de route, à quelques mètres d’un checkpoint, une bande de Mexicains nous a demandé de débourser. Nous étions presque à sec. Ils nous ont bastonnés avant de nous laisser partir grâce à l’intervention d’un passeur de migrants. C’est l’étape la plus dure à passer car c’est des jours de trajets. Parfois des nuits sans sommeil. Une fois, nous sommes aussi restés toute une journée sans trouver de quoi manger. En cours de route aussi, nous avons rencontré beaucoup de jeunes sénégalais qui, tous, étaient en partance pour les Etats-Unis. Surtout au niveau de la frontière où se trouvent les gardes américains, il y a toutes sortes de nationalités africaines. Mais entre Sénégalais, on se reconnaissait facilement. Même si à cause de la souffrance qui règne là-bas, chacun lutte pour sa survie », a témoigné Mohamed Sall depuis la Californie.