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Reportage – Ville des migrations : Louga, citoyens sans frontières

Située à plus de 170 km de Dakar, Louga est une région agro-sylvo-pastorale et surtout d’émigration. Touchée par la sécheresse des années 70 et 80, elle connaît l’un des taux les plus importants du Sénégal en matière d’émigration vers l’Europe, 58, 5%, et 39, 5% vers l’Afrique. Les enjeux et défis de la migration sont au cœur des préoccupations des Lougatois.

C’est un euphémisme de dire que Louga est une région d’émigration. La situation de référence réalisée en 2022 par le Bureau d’accueil, d’orientation et de suivi (Baos) de Louga renseigne que plus de 85% de la migration se font de manière régulière dans cette localité. En outre, la situation de référence révèle que «58, 5% de ces migrations se font vers l’Europe contre 39, 5% vers l’Afrique». Bien que les populations subsahariennes soient les plus mobiles en Afrique, soit plus de 52%, il reste que la migration intra-africaine est plus importante que celle de l’Afrique vers l’Europe. D’après un extrait du rapport sur la migration en Afrique/remettre en question le récit (Ua, Oim, Amb suisse) 2020, «l’Afrique représente 14% de la population migrante mondiale, contre 41% en provenance d’Asie et 24% d’Europe». Ces chiffres renforcent la nécessité de revoir le narratif migratoire qui concerne en grande partie les migrations intra-africaines, contrairement à la terrible impression «sensationnaliste» de la migration irrégulière de l’Afrique via la Méditerranée.
En termes d’impact, renseigne le rapport 2019 sur la situation économique sociale régionale (Ses-R) publié en 2021 par l’Agence régionale de la statique et de la démographie de Louga, les flux financiers générés par l’émigration se chiffrent à plus de 10 milliards de francs Cfa par an à travers les réseaux formels de transfert, et financent principalement les besoins de consommation (d’habitat, de santé, etc.). En plus des dépenses de consommation courante de leurs familles, poursuit l’étude de l’Ansd, «les immigrés participent de façon active et significative au financement d’infrastructures et d’équipements sociaux collectifs au profit des terroirs et villes d’origine». A Louga, l’impact des immigrés sur les populations, et même la conscience collective, se passe de commentaires. La migration est considérée comme un facteur d’ascension sociale. «Le Ndiam­bour-Ndiambour a tendance à émigrer pour des besoins de commerce, entre autres, depuis la nuit des temps», renseigne Mme Nguénar Mbodj, Préfet de Louga. Même s’il y a beaucoup parmi eux qui arrivent à rentrer et à investir, tel n’est pas le cas pour d’autres. Car, explique Mme Mbo­dj, «l’investissement est le principal souci qu’ils ont». Et cette dernière de plaider pour l’accompagnement des immigrés et la communication gouvernementale pour leur permettre d’être au courant des opportunités et créneaux mis en place par l’Etat du Sénégal, une fois de retour au bercail, pour une meilleure réintégration. Conscient de l’importance du phénomène dans la région et son impact sur les populations, le directeur du Centre de formation aux métiers (Cefam) n’est pas contre la migration, qui est un droit consacré à tout individu.
Quand bien même, préconise-t-il, «on ne peut pas empêcher quelqu’un de voyager. Mais, on peut faire en sorte de lui donner des compétences». Avec une compétence, on reconnaît à l’individu la capacité d’exercer une fonction donnée. De sorte que dans le cadre de la migration, la qualification peut non seulement aider à trouver une occupation une fois dans un pays d’accueil, mais elle peut dissuader les jeunes à partir dans la mesure où avec une compétence, on peut se targuer d’exercer dans un domaine ou d’investir et s’en sortir au pays. Au niveau du Centre de formation aux métiers de Louga, est fait un travail remarquable dans l’amélioration et la diversification de l’offre de formation qui, selon de directeur de l’établissement, «sont des opportunités». Selon la présidente du Réseau pour la défense de droits des migrants, Mame Diarra Bousso Thiam, «l’Etat doit faire des efforts pour accompagner les Lougatois dans leur volonté d’accompagner le développement de leur localité, mais aussi la mise en place de politiques publiques territoriales inclusives qui prennent en compte les réalités des populations à la base pour mieux répondre à leurs attentes». En outre, explique la patronne du Reddem, «il y a beaucoup de potentialités qui existent dans la région de Louga».
Malheureusement, se désole-t-elle, «les migrants et potentiels candidats ne sont pas informés de ces potentialités». Sur un autre registre, Mame Diarra Bousso n’a pas manqué de revenir sur la déperdition scolaire qui frappe les potaches dans le Ndiambour. En effet, d’après l’Agence nationale de la statique et de la démographie (Ands/Espos-II 2011), le taux brut de scolarisation est de 30.3% à Louga contre 52.9% au niveau national. Ce qui atteste qu’il y a encore des efforts à faire au niveau de la région pour essayer de combler le gap avec le niveau national. «Il ne faut jamais cesser de sensibiliser les enfants et leurs parents sur l’importance de l’école. Nous vivons et subissons la déperdition scolaire», plaide notre interlocutrice. Cette dernière estime qu’il faut impliquer les immigrés de retour pour qu’ils puissent être des relais au niveau de leurs fa­milles.
Ancienne province du Ndiambour, Louga a été érigée en région par la réforme administrative de 1976. Huitième région administrative du Sénégal, elle est créée par la loi n°76 61 du 26 juin 1976 qui a consacré la division de l’ex-région de Diourbel en deux entités administratives distinctes. Couvrant une superficie de 24 847 km2, soit 12, 60% du territoire national, elle occupe en termes de superficie la 3ème place au niveau national après les régions de Tambacounda (59 602 km2 : 30, 30% du territoire national) et de Matam (29 424 km2 : 15% du territoire national), d’après l’Ansd.
L’Océan atlantique constituant la limite occidentale de la région lui offre une façade maritime qui s’étale sur près de 50 km. Ce qui confère à la région une position de carrefour qui lui a valu d’être pendant longtemps une zone d’échanges entre plusieurs régions. D’ailleurs, en plus d’être une zone agro-sylvo-pastorale, l’histoire de la région est fortement marquée par la mobilité légendaire de ses populations. En effet, la région est «caractérisée par une dynamique démographique fortement marquée par l’émigration ; le nombre de migrants dépassant le quart de la population», selon l’enquête sénégalaise sur la Migration et l’Urbanisme (1993). Cette information est révélée par le rapport de 2019 de l’Agence régionale de la statistique et de la démographie de Louga sur la Situation économique sociale régionale (Ses-R), publié en 2021.

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