POLITIQUE

Politiciens du pays, ressaisissez-vous !

Il n’est pas le seul destinataire de mon indignation. J’ai mal, mais je ne hais pas Latif coulibaly et tous ceux qui sont comme lui ou qui font comme lui. Je ne hais pas non plus tous ceux qui se sont terrés comme des rats de caniveaux ou qui s’emmurent dans un silence propre aux lâches, dans nos rangs comme au sein des alliés. On ne devient pas traitre, on a la traitrise dans le sang, et tout dépend du moment dont on en fait usage. Je ne hais pas l’être humain ; Dieu a mis du temps pour le concevoir, de toutes les nobles vertus. J’ai mal simplement car à mon sens, l’être humain est certes formé de chair mais enrôlé de vertus qui fondent sa différence avec toute autre chose qu’on peut imaginer. Que Latif, le grand journaliste que j’ai toujours lu et écouté, parle de volonté de «recouvrer sa liberté» comme si elle était confisquée pendant 12 longues années, pour expliquer son départ du pouvoir, me désole profondément, par sa légèreté comme argument.

Le contexte actuel, marqué par la crise institutionnelle entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, a encore révélé le visage de ceux qui aspirent à nous gouverner et ou qui structurent nos alliances. Certains candidats à la Présidentielle 2024, recalés par le Conseil constitutionnel à tort, jugent-ils, au nombre d’une quarantaine, qui ont écrit au président de la République et signé la correspondance, pour demander qu’ils soient rétablis dans leur «droit de participer», nient totalement l’acte posé et se crêpent les chignons par déclaration et presse interposées. Ce sont ces mêmes politiciens qui s’étaient interrogés sur la capacité politique des candidats Anta Babacar Ngom et Daouda Ndiaye à rassembler les parrainages nécessaires, parce que sortis de nulle part qui, fondus dans un nouveau collectif, s’insurgent contre le report de la Présidentielle. J’ai mal !

Où est cette Société civile qui avait demandé le report de la Présidentielle avec cette formule «diama guene élection». Sont-ils, comme les premiers cités, eux aussi, dans le front contre le report. Sûrement ! Dans quel registre peut-on inscrire les déclarations de Abdourahmane Diouf de Awalé, allant jusqu’à parler de chaos organisé, avec un tort porté sur autant de candidats par le Conseil constitutionnel et sa conviction ferme que le président de la République ne fermera point les yeux sur cette injustice. S’agissait-il là encore de déclaration politicienne ? Tout porte à le croire, au regard de ses positions actuelles. J’ai mal ! Dans quel registre peut-on aussi inscrire la déclaration du candidat Boubacar Camara, qui a été le père-théoricien du report parlant de spirale négative et d’incapacité du pays à tenir une élection dans ce contexte ? Lui aussi est dans le collectif des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel, contre le report. Qu’est ce qui a changé entretemps pour qu’il revienne sur sa parole et sur sa position ? J’ai mal !

Comment peut-on comprendre aujourd’hui les propos de celui nommé «naa book rek» qui, de plateau en plateau, s’insurge contre le report ? Bon là, il a raison «na book rek». Qu’il participe. Peu importe le cas des autres ! Khalifa Sall, puisque c’est de lui qu’il s’agit, agit actuellement pour son propre compte. Et pourtant, son cas et celui de Karim Wade ont généré le dialogue politique à la suite de difficiles tractations politiques de son lieutenant Barthélemy Dias qui, d’ailleurs, a eu tout le mal du monde face aux médias, à défendre la position incohérente de son mentor. On se rappelle que du cas de Khalifa Sall, est née la guerre fratricide entre Ousmane Sonko et Barthélemy, et entre l’ex-Pastef et Taxawu Senegaal. J’ai mal, car Khalifa Sall n’a rien à dire ; il n’a qu’à attendre dans son paisible coin, la date de l’élection et participer, puisque pour lui «naa book rek».

Que le Pds use de son droit parlementaire pour demander et obtenir une commission d’enquête parlementaire à la suite de graves accusations de corruption de membres du Conseil constitutionnel, fait inédit dans l’histoire politique du Sénégal, et que le Conseil constitutionnel, dans sa déclaration en date du 29 janvier dernier demande à ce que toute la lumière soit faite, constitue à mon humble avis, un motif suffisant pour décaler la date de la Prési­dentielle : «Le Conseil constitutionnel , notant que des accusations graves et infondées de corruption, conflits d’intérêt et connexions douteuses sont portées à l’encontre de ses membres, appelle à faire toute la lumière sur cette affaire qui est de nature à déstabiliser les institutions et à menacer la paix publique.» J’ai mis ce passage en italique pour mettre en exergue la position du Conseil constitutionnel qui, d’ailleurs, comme l’Assemblée nationale, demande la lumière et agrée donc la mise en place d’une commission d’enquête.

En quoi alors, de façon factuelle, la décision du président de la République, garant du bon fonctionnement des institutions, est-elle assimilable à un coup d’Etat constitutionnel ? Que de gros qualitatifs pour exagérer les faits ! Du démarrage du traitement des parrainages et des candidatures, qui n’a pas accusé le Conseil constitutionnel d’être le bras armé du pouvoir ? D’autres, plus subtils, ont même accusé les informaticiens du Conseil constitutionnel de détenir un logiciel pirate, qui élimine selon une certaine commande politique.
Quand une candidate retenue par le Conseil constitutionnel est mise en examen pour escroquerie au jugement, faux en écriture au­thentique et publique, inscription sous une fausse qualité et inscription tendant à dissimuler une incapacité, entre autres griefs, fallait-il fermer là aussi les yeux et faire comme certains l’ont préconisé, continuer le processus et après le verdict, prendre les mesures idoines ? Le cas n’est pas ex nihilo, il faut l’inscrire dans le cadre global d’incohérences, d’accusations qui entourent le processus pour bien le cerner et faciliter le jugement. Manifes­tement, et au regard de tout ce qui précède, les principes de justice, d’égalité et d’équité sont fortement remis en cause et entament sérieusement la sincérité du processus et ce qui pourrait en résulter.
Dans un tel contexte où l’atmosphère est fortement contaminée, vampirisée, pour ne pas dire viciée, et après consultation des différentes institutions (Cese, Hcct, An, Cc…), le président de la République a pris la décision responsable d’abroger le décret convoquant le collège électoral pour le 25 février 2024. Il s’en est juste limité à l’exercice strict de son pouvoir et conformément à la volonté des deux institutions en conflit. L’Assemblée ayant examiné et adopté souverainement la loi portant report de la Présidentielle au 15 décembre 2024. Il reste au président de la République de promulguer la loi. C’est d’ailleurs pourquoi il appelle tous les acteurs politiques à s’asseoir autour d’une table pour passer au crible tous les problèmes avant la nouvelle date du 15 décembre 2024, pour une élection crédible et transparente.

Le 3 juillet 2023 et contre toute attente, le président de la République, par respect à sa parole et pour un bon fonctionnement des institutions, avait décidé de ne pas se présenter à la Présidentielle de 2024, décision réaffirmée lors de son discours du 3 février dernier. Qui n’a pas bien apprécié cette décision historique alors que beaucoup de nos compatriotes d’ici et de la diaspora lui prêtaient une volonté manifeste de briguer un troisième mandat ? De cette volonté qui lui était fortement prêtée, beaucoup de politiciens en profitèrent, qui pour se refaire une virginité politique, qui pour se faire connaître parce que sortis de nulle part. Ce discours historique avait au moins décelé une chose : la capacité du Président Macky Sall à prendre les décisions, les meilleures, pour l’intérêt supérieur de la Nation. Certes, et j’en suis persuadé, il subit les pressions de son parti et de sa coalition qui demandaient fortement sa candidature, de l’opposition, qui en avait fait un projet de société, de la Communauté internationale, des guides religieux, dans un sens ou un autre, mais aucune de celles-là n’ont pris le dessus sur sa décision prise, il y a 5 ans, exactement en 2019. Comment est-ce qu’on peut poser cet acte hautement républicain et noble après 12 ans de pouvoir et vouloir rester pour 3, 6 ou 10 mois ? Je pense sincèrement qu’il y a intérêt, quoique difficile, de stopper le processus pour voir les mesures idoines à prendre, après les conclusions de la commission d’enquête parlementaire. Entretemps, la voie de la sagesse prime, importe plus que tout autre intérêt politicien. Le fauteuil présidentiel n’est pas une fin en soi, c’est juste un moyen de transformation sociale. Pour s’y installer confortablement et gouverner en toute quiétude, il faut deux choses essentielles : la légalité et la légitimité
Le processus actuel ne garantit au futur Président, ni l’un ni l’autre, et c’est de cette manière seulement qu’on doit comprendre le sens de la décision du président de la Rrépublique.
Vive la République
Cheikh NDIAYE
Responsable politique Apr de Grand-Yoff
Inspecteur de l’enseignement

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